* Faute de consensus, le secret de confessionnal désormais divulgué.
Après sa traversée de la zone grise, fin juillet-début août, le « navire Confession religieuse » laisse une vague de poupe. Emprunté au jargon de guerre, on dirait simplement que les chefs des confessions religieuses en RD Congo, observent un « cessez-le-feu« . Ce, après des jours d' »attaques » disproportionnées à tirs de « mortier » et d' »armes légères« , ayant occasionné d’importants dégâts collatéraux moraux et matériels.
Sans remuer le couteau dans une plaie encore saignante, la question qui se pose est celle de savoir qui croire, entre l’abbé Donatien N’Shole, le pasteur protestant Eric Nsenga et Dodo Kamba des Eglises de réveil, sur tout ce qui se dit à propos de la procédure du choix du nouveau Président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). On parlerait simplement de l’affaire Denis Kadima, au cœur des animosités, début août, contre l’Eglise catholique universelle.
Loin d’être une inquisition ou juridiction d’exception, la question posée ci-dessus continue à emballer les internautes. Non sans raison, quand on sait que l’hypothèque « Présidence de la Ceni » n’est pas encore totalement évacuée. Comme pour dire, après l’arrêt momentané des « hostilités« , les huit protagonistes (Catholique, Protestant, Kimbanguiste, Musulman et sociétaires des églises de réveil) se retrouveront de nouveau sur la ligne de front.
« UN GROS MENSONGE », SELON L’ABBE N’SHOLE
Cependant, quand on suit les déclarations des uns et des autres, on a l’impression que chacun dit la vérité. Commençons par l’abbé Donatien N’Shole. Dans un message adressé sans circonlocutions et avec insistance, la semaine dernière aux ressortissants kasaïens, disons aux membres de l’ethnie Luba, le Secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Dans une vidéo qui circule depuis plusieurs jours sur le net, le prêtre met en garde les ressortissants Luba, contre toute manipulation par un regroupement de personnes qui on d’autres intérêts que ceux des Kasaïens.
« Je les rassure ici que la Cenco n’a rien contre les Kasaïens. La Cenco n’a rien contre l’ethnie luba. La Cenco dénonce, d’une façon générale, le tribalisme. La Cenco n’a jamais été contre une tribu. Ce qui a été raconté la fois passée, au moment de traitement des candidatures autour de Ronsard Malonda, qu’on a laissé de côté les candidats kasaïens, c’est un gros mensonge orchestré. La vérité est que personne, de tous les chefs de confessions religieuses, ne voulait assumer une seule de ces candidatures« , explique-t-il.
Et d’ajouter : « Au niveau du secrétariat technique, tout en sachant que c’était des Lubas, nous avons amené ces trois candidatures parmi les six, nous savions bien qu’ils étaient Kasaiens. On a traité l’aspect technique. Compétence, OK. Maintenant, pour passer à la personnalité, parce que nous étions arrivés à la situation où nous nous sommes dit, mettons de côté la candidature de Ronsard Malonda, recourons à d’autres candidatures. Personne ne voulait les assumer. Curieusement, les mêmes qui ne voulaient pas assumer lesdites candidatures, disent qu’on les a marginalisés. Allez-y comprendre quelque chose. Est-ce qu’on est encore des religieux ? », s’interroge sur un ton sec, le prêtre catholique.
Le secrétaire général de la Cenco termine son « sermon » par une exhortation. « Que nos frères Kasaïens ne se laissent pas manipuler. On a traité le cardinal de tous les maux. Le chancelier, c’est -à-dire l’homme de confiance ou directeur de cabinet du cardinal, l’abbé Georges Njila est un originaire du Kasaï. Celui que je peux considérer comme le ministre de la Justice du cardinal, l’abbé Luamba, est un Kasaïen. Je ne connais aucun ressortissant de l’Equateur dans le cabinet du cardinal. Ne vous laissez pas intoxiquer. L’Eglise est catholique universelle. Et, dans cette catholicité, il y aussi des Kasaïens« .
« LES MEMES METHODES UTILISEES PAR LE PASSE », JUGE LE PASTEUR ERIC NSENGA
Pourquoi n’avoir pas signé le procès-verbal de désignation de Denis Kadima, comme les six autres confessions religieuses ? A cette question de notre consœur Sonia Rolley de Rfi, le porte-parole de l’Eglise du Christ au Congo (ECC), rappelle formellement qu’il n’a existé aucun PV.
« Qui a compétence à d’établir un procès-verbal, si PV doit exister? Un PV est un document de droit. Donc, il faut avoir la qualité. L’ECC et la Cenco dirigent la plateforme (Ndlr : les confessions religieuses). Savez-vous que quand on était en train de d’examiner les candidatures, on n’était pas encore dans l’hypothèse de décider, parce qu’il y avait quatre candidatures sur la liste et nous n’étions encore que sur le premier nom sur lequel il y a eu cette divergence d’opinions. Encore qu’il faudrait souligner que le consensus dont nous parlons et qui n’a pas été trouvé, n’était pas à propos du candidat X ou Y ; Le consensus était plutôt au niveau d’appréciation des griefs qui pesaient sur un candidat, parce que les uns estimaient que ces récriminations étaient de nature à enfreindre, à mettre en cause l’indépendance des candidats. Tandis que les autres pensaient qu’il fallait relativiser les faits. Et, la Cenco et l’ECC ont estimé que nous n’étions pas dans l’hypothèse de soupçons ou de murmures. Nous étions plutôt dans l’hypothèse de dénonciation. Ce sont des choses qui ont été dénoncées, séance tenante, par nos collègues au sein de la plateforme« , explique-t-il
Pourquoi ils ne le disent plus, parce que la plupart des gens dont vous parlez sont dans cette coalition de six? A cette deuxième question de son interlocutrice, le pasteur Eric Nsenga réplique sans chercher de mots. . »Je ne sais pas s’ils ne le disent plus. Mais nous avons tous les éléments de preuves parce que nos réunions sont couvertes par des PV. Donc, il y a des comptes-rendus de chaque réunion où des choses ont été dites. Et, il existe également des éléments audio qui existent. Ce sont des plaintes qui ont été formulées avant la réunion. C’est ce qui a conduit au communiqué qui faisait état d’intimidations, de menaces…parce qu’ils ont demandé la solidarité des autres confessions religieuses, dès lors qu’il y en a qui ne passaient plus la nuit dans leurs maisons et tous les amis le savent parce que ça été dit ouvertement« .
Mais aujourd’hui, le pasteur Dodo Kamba dit que c’st un problème interne des confessions religieuses et que ce n’a rien à voir avec la désignation de candidat. A cette autre question de la journaliste, le porte-voix de l’ECC répond : « je pense que la grande question à se poser ici, est de savoir pourquoi seulement le pasteur Dodo Kamba qui répond à cela ? C’est ce qui est incongru, parce que le candidat est celui des Kimbanguistes ».
Sonia Rolley enchaine « vous ne comprenez donc pas que ce soit toujours lui (ndlr : le pasteur Dodo Kamba) prend la parole et pas les autres » ? « Il y a eu des moments où lui, le pasteur Dodo Kamba, était presque à couteaux tirés avec d’autres chefs de confessions religieuses, parce qu’il les empêchait de donner leur version des faits. Et, nous n’avons pas hésité à l’interpeller pour dire pourquoi il n’avait pas le sens de solidarité quand les collègues sont en train de se plaindre de telles choses« , renchérit le pasteur Eric Nsenga.
POURQUOI NE PAS SAISIR LA JUSTICE ?
Vous dites détenir les preuves de ça, pourquoi ne pas les présenter à la Justice? « Justement parce que nous ne sommes pas encore dans ce cas de figure. Vous avez que même quand nous sortions de la dernière réunion, nous étions tous convenus que nous n’étions pas en mesure de trouver le consensus sur les griefs qui nous divisent. Nous étions surpris qu’après nous nous, existait un PV. En tout cas, quand nous nous séparions, le rapport final, qui est un rapport légal signé par tous, faisait état de manque de consensus dans l’appréciation des candidatures« , précise le pasteur protestant.
Est-ce là, en l’occurrence, ce que dit le pasteur Dodo Kamba qui dirige les églises de réveil et qui dit qu’il n’y a pas de faute au candidat. Est-ce vraiment juste de lui imputer des actes commis par des tiers ? Est-ce qu’on peut dire qu’il n’est pas crédible ? Il n’est pas indépendant parce que des personnalités ont fait campagne pour lui ou menaces pour son compte ?
« Mais dans le débat de fond, si je vous donne les éléments, il n’y avait que lui, le pasteur Dodo qui soutenait cette hypothèse. Personne d’autre. Si vraiment, il peut nous contredire sur ce point, qu’il me dise combien ont soutenu cette hypothèse. Il n’y avait que lui. Et, d’ailleurs, c’est là que la question lui a été posée. Pasteur, nous sommes une corporation et notre responsabilité, c’est de placer celui qui doit dire la vérité, la justice, la sincérité. La Ceni est l’institution qui donne la substance de la légitimité à nos institutions. Aujourd’hui, nous nous étions dit et c’était trois principes de base qui ont été donnés : évitons des candidats à problème. Evitons des candidats de vie et de mort. Evitons des candidats qui peuvent diviser, et la plateforme et la nation. Si aujourd’hui, le pays par es lois, nous confère la responsabilité de désigner l’animateur principal de la Ceni, c’est d’abord l’élément caution morale. Ce n’est pas la technicité. Ou alors, mettons-nous d’accord, ne condamnons pas les cycles électoraux antérieurs. Ne critiquons pas non plus le travail que Corneille Nangaa avait fait, parce qu’on a l’impression que ce sont les mêmes méthodes qui ont été utilisées lorsqu’on a désigné les animateurs de la Ceni« . poursuit le pasteur protestant.
Que dire alors à ceux qui accusent l’Eglise catholique et l’Eglise du Christ au Congo, de faire le jeu d’un candidat de l’opposition ? « Si on était dans cette hypothèse, on n’aurait pas demandé que nos candidats soient écartés. On aurait fait comme eux. Un candidat de vie ou de mort. Imaginez qu’on suspende tout le destin de la nation sur un individu. Est-ce sérieux ? Parce que nous avons dit, puisque nous ne nous mettons pas d’accord, la règle simple, mettons de côté Denis Kadima, il y a des Congolais compétents. Quand il n’était pas là, les élections ne s’étaient-elles pas passées ? Quand il ne sera plus là, il n’y en aura plus ? S’il y a à fouiller et à trouver qui roule pour qui, c’est à ce niveau-là« , conclut le pasteur Eric Senga.
« LES ARGUMENTS QU’ILS AVANCENT NE SONT PAS FONDES », REPLIQUE DODO KAMBA
Pourquoi avoir décidé avec six autres confessions religieuses, de quitter le siège de la Cenco le 27 juillet ? A cette question de Sonia Rolley, le pasteur Dodo Kamba répond : « Non non. Nous n’avons pas décidé de quitter. Masi nous avons été chassés de cet endroit parce que nous étions déterminés de finir le travail que nous avons commencé depuis le matin. Arrivé vers 21 heures, c’est par contre les deux confessions religieuses du présidium, qui se sont décidés de se retirer de la salle ».
Les Eglises catholique et protestante parlent de la suspension. Et, vous n’avez pas dit qu’on a suspendu la séance. » D’accord. On n’a pas parlé de la suspension. Mais on a demandé que le travail continu. Et, lorsqu’on nous a mis dehors, nous nous sommes rendus à la Commission d’intégrité et de médiation électorale (CIME), qui est une adresse de notre plateforme et c’est là que nous sommes allés dresser le PV » dit-il. Comment vous expliquez alors le discours des représentants des églises catholiques et protestante qui disent eux, il était clair qu’on avait suspendu et que d’ailleurs, on avait repris les travaux le vendredi 30 juillet…et que vous êtes retrouvés tous ce jour-là pour discuter de la question.
« Non non. C’est peut-être une omission de leur part. On leur a rappelé que la séance n’était pas suspendue. Ils ont demandé à ce qu’on suspende, mais on avait refusé en ce qui nous concerne. Si on s’est retrouvé le vendredi, c’était compte tenu du conseil ou de l’orientation du président de l’Assemblée nationale qui a estimé qu’on pouvait trouver un moyen de s’entendre. On a préféré dresser un rapport de cette réunion du 30 pour lui répondre que nous avons essayé de nous mettre ensemble, mais on n’a pas pu regarder dans la même direction, mais sans problème ni haine. Nous ne sommes pas divisés. Nous sommes restés unis, mais dans une divergence d’idées. Et, c’est la démocratie. Cette valeur qui veut que deux regardent dans un sens et les six autres, dans un autre. C’est-à-dire que les six ont trouvé qu’il était important d’achever le travail. Raison pour laquelle, vous trouverez à ce jour, un seul PV dressé pour le compte de notre composante Confessions religieuses.
En ce qui concerne les allégations des catholiques et des protestants, sur des candidats litigieux, Dodo Kamba rejette tout en bloc et considère que les arguments avancés par l’abbé Donatien N’Shole et le pasteur Eric Senga, ne sont pas fondés. Alors, qui croire ? La question demeure entière.
GREVISSE KABREL