Théophile Mbemba : les raisons d’un si long silence

* Ce héraut du PPRD et leader du Kwango révèle avoir été victime d’un coup fourré lors des élections législatives de 2018.

* Ce co-dépositaire de l’Accord global et inclusif de Sun City juge la proposition de loi Pululu anticonstitutionnelle  

Parler pour ne rien dire ou juste pour s’offrir en spectacle n’est pas le fort de Théophile Mbemba Fundu.  En  hibernation politique depuis la proclamation des résultats des élections législatives de 2018, celui que l’on appelle affectueusement  » Ya Théo  » donne de la voix. Pour sa rentrée médiatique, cet acteur qui a marqué de son empreinte tous les grands moments politiques de ces trois dernières décennies a balayé l’actualité avec la hauteur de vue qu’on lui connait et reconnait. Figurant parmi les nombreuses victimes des coups fourrés ayant marqué les législatives de décembre 2018, le leader du Kwango et héraut du PPRD s’est donné un temps d’observation et de réflexion  pour fixer l’opinion sur sa position politique. Dans peu de temps, ceux des Congolais encore attachés aux valeurs morales, à la constance, à la cohérence redécouvriront l’homme qui avait dit non à son entrée dans un gouvernement au seuil des années 90. Au nom d’une certaine idée de la politique.  

LOI SUR LA CONGOLITÉ

 » Il n’y a pas de demi congolais »

Vieux routier de la politique congolaise, Théophile Mbemba met en garde contre la loi sur la nationalité déposée au bureau de l’Assemblée nationale par le député national Nsingi Pululu. Pour ce professeur des universités, il n’existe pas de demi congolais. Il l’a affirmé au cours d’une émission diffusée le dimanche 25 juillet sur la radio Top Congo.

La professeur Théophile Mbemba  affirme que la loi initiée par Noël Tshiani, candidat malheureux à la présidentielle de 2018, n’est pas opportune. Pour avoir été de la plupart de grands rendez-vous du jeu politique congolais, cet acteur politique tire la sonnette d’alarme sur l’importance de tenir compte de l’histoire politique de la RDC dans tout ce que l’on entreprend.

A l’en croire, voir les choses dans le sens de cette loi dite de la « Congolité« , c’est bafouer l’accord global et inclusif signé en 2002, à Sun city, en Afrique du Sud, au terme du dialogue intercongolais. « L’accord global et inclusif nous a amené à un nouvel ordre politique qui est démocratique et républicain. Je pense qu’elle n’est pas opportune cette proposition de loi car lors du dialogue intercongolais les discussions ont eu lieu sur la nationalité« , a-t-il fait remarquer.

S’ATTAQUER AUX VRAIS PROBLEMES DES CONGOLAIS

Dans la même veine, le gouverneur de la ville de Kinshasa sous Laurent Désiré Kabila a démontré, du point de vue des textes, notamment de la Constitution, que cette proposition de Loi sur la nationalité est anticonstitutionnelle. Il a avant tout évoqué l’article 10 de la constitution qui parle de l’exclusivité de la nationalité congolaise. Il a ensuite évoqué l’article 72 de la Constitution qui, fixant les conditions d’accès à certaines fonctions, parle de la nationalité d’origine et la définit.

L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire a aussi fait référence à l’article 13 de la loi fondamentale qui proscrit la discrimination dans l’accès aux fonctions publiques. Il pense que ce qui est important à l’heure actuelle, en termes des priorités, c’est de s’attaquer aux vrais problèmes de la population qui touchent au progrès social, au développement, à la santé, à la sécurité sociale, à l’éducation et à bien d’autres secteurs.

Selon  Théophile Mbemba, penser lutter contre l’infiltration au sommet de l’État en verrouillant la loi sur la nationalité, c’est denier au peuple congolais, souverain primaire, son pouvoir de choisir les dirigeants qu’il désire. « C’est à lui de juger et de décider qui mérite et qui ne mérite pas« , a-t-il lâché.

TEMPS D’OBSERVATION

Les questions sur le changement de la majorité parlementaire, la gestion du Front commun pour le Congo (FCC) et du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) ont également été abordées au cours de cette émission. A la question de savoir si Théophile Mbemba a quitté la famille politique de Joseph Kabila, le concerné dit observer et promet de faire connaître le moment venu sa position. Il dit ne pas non plus adhérer jusque-là à l’Union sacrée de la nation chère au président Félix-Antoine Tshisekedi. Ce scientifique précise tout de même que ce concept ne lui est pas non plus étranger, en ce qu’il a été par le passé rapporteur de de l’union sacrée de l’opposition.

« J’ai pris congé du parti parce qu’à la Cour Constitutionnelle on m’a dit que j’avais gagné les législatives de 2018 à Kenge, mais au niveau du parti Minaku et Kimbuta n’ont pas voulu que je sois proclamé député« , a-t-il fait savoir.

« J’ai été ministre de la recherche scientifique dans le gouvernement Tshisekedi issu de la conférence nationale souveraine. Je venais de boycotter la sollicitation de faire partie du gouvernement Mungul Diaka, comme ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire en 1991. Je tenais au chargement. Ce qui a fait que feu le président Tshisekedi m’avait appelé au gouvernement issu de la conférence nationale souveraine. J’ai été rapporteur de l’Union sacrée de l’opposition radicale avec  feu Kibassa Maliba comme Président. Je sais ce que c’est l’union sacrée. Je connais comment de l’Union sacrée on est passé à l’Union sacrée de l’opposition radicale et alliés (USORAL) et après comment ça s’est décomposé« , a-t-il rappelé.

Théophile Mbemba ne se dit pas convaincu que l’union sacrée, dans sa forme actuelle, ne puisse mieux tenir que l’USORAL de l’époque. « Ce qui importe, c’est de ne pas ignorer l’histoire de ce pays. Il y a beaucoup de choses qui sont passées. Je suis chrétien catholique et homme de valeurs. Là où je suis resté, je suis resté loyal et vais aller jusqu’au bout. Il faut un peu de morale en politique. Sans la morale ça ne va pas« , a-t-il indiqué.

VIVEMENT UNE ÉVALUATION SÉRIEUSE

Parlant la situation actuelle du FCC et du PPRD après le changement de la majorité parlementaire, le professeur Théophile Mbemba souligne la nécessité de mener des discussions sérieuses, un débat profond, une évaluation sérieuse à l’interne avant d’envisager l’avenir.

« Je n’ai pas participé aux réunions du FCC. Je ne suis pas dans l’exécutif du FCC. Le jugement que je peux porter c’est de dire que ce qui est arrivé au FCC et au PPRD nécessite une introspection profonde pour des réformes profondes. Ce que je recommande, c’est un débat sérieux, une évaluation sérieuse. Ils se sont retrouvés à Lubumbashi, certes, mais il faut plus que ça. Je crois que plus qu’une simple messe, où on assiste, applaudit et fait le rapport, il faut des discussions très très sérieuses en vue des réformes sérieuses, voir les textes qui régissent, regarder comment la gestion a été faite et envisager l’avenir« , a-t-il indiqué.

Parlant de Joseph Kabila, Théophile Mbemba se dit fier d’avoir travaillé avec lui. Il pense que l’ancien chef de l’Etat congolais a respecté tout ce qu’il a fait comment promesse dans son discours d’accession au pouvoir le 26 janvier 2001. « Il a donné des orientations. Il a affirmé qu’il était important que la paix revienne et le multipartisme. Il a parlé de l’ouverture politique, de l’ouverture du pays au monde, de la relance économique. C’est tout ce qu’il a fait. Il nous a conduit au dialogue intercongolais qui nous a amené aux élections et à un nouvel ordre politique« , a-t-il affirmé.

LUTTE CONTRE LA COVID-19

Se prononçant sur l’échec d’Emmanuel Ramazani Shadary à la présidentielle de 2018, Théophile Mbemba pense que la cause principale est l’impréparation. Il estime que ce choix devrait être fait beaucoup plus tôt afin de bien sensibiliser la population, de préparer le peuple à mieux connaître le candidat qu’on allait lui proposer.

Répondant à une question sur la Covid-19, comme docteur en chimie et spécialiste en biologie de la cellule et de la nutrition, le professeur Théophile Mbemba a salué le travail qu’abat son collègue Jean-Jacques Muyembe et son équipe de riposte. Il a appelé la population congolaise, les scientifiques et les politiques à ne pas négliger la gestion du système immunitaire dans la riposte contre cette pandémie.

« De mon côté, comme biochimiste en nutrition qui a consacré sa vie scientifique à étudier les vertus des aliments, je me suis dit, face à cette pandémie, il était important que l’on ne néglige pas la gestion du système immunitaire. Je recommande  que la population fasse attention à son régime alimentaire. Il faut doter l’organisme des nutriments qui renforcent le système immunitaire« , a-t-il conseillé.

A une question sur le sous-développement de sa province natale, la province du Kwango qui pour chef-lieu Kenge, celui que l’on appelle affectueusement « ya Théo » indique que le développement n’est pas un problème d’individus. C’est d’abord un problème de la volonté politique du Gouvernement central. Il plaide pour l’effectivité de la loi sur la caisse nationale de péréquation.

Orly-Darel NGIAMBUKULU

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