Me Willy Wenga: « Le bureau du Sénat a respecté ses obligations constitutionnelles et réglementaires »

La décision du bureau du Sénat sur la levée des immunités et autorisant les poursuites judiciaires contre le sénateur Augustin Matata Ponyo, a donné lieu à plusieurs et diverses réactions dans l’opinion. Pour nombre de juristes interrogés à ce sujet, le bureau de la Chambre haute du Parlement a respecté scrupuleusement les textes de lois dans la procédure d’autorisation des poursuites contre cet ancien Premier ministre. 

Avocat au barreau de Kinshasa/Gombe, Me Willy Wenga a soutenu que le bureau de la chambre des sages n’a pas livré l’ancien Premier ministre. Pour lui, le perchoir de la Haute assemblée a plutôt donné l’occasion à la Justice de faire son travail et à Matata Ponyo de présenter ses moyens de défense.

Selon ce juriste, le bureau du Sénat n’a fait que respecter les exigences légales et réglementaires. Il estime que la démarche est conforme à l’article 107 alinéa 2 et 3 de la Constitution qui lui donne le plein pouvoir de se prononcer en cette matière durant les vacances parlementaires. 

«La procédure a été respectée. Le sénateur Matata Ponyo a été entendu. Le procureur près la Cour constitutionnelle a été entendu aussi. Il a été fait lecture à Matata Ponyo des documents mis à la disposition du bureau. Il a lui aussi présenté ses moyens de défense. Le bureau a décidé de lever les immunités de l’ancien Premier ministre et autorisé sa poursuite pour permettre à ce dernier de se défendre devant la Justice».

Bémol cependant, il affirme que le fait pour le bureau du Sénat d’autoriser les poursuites contre Matata Ponyo ne signifie pas ipso facto que ce dernier sera condamné.

«Au regard des moyens de sa défense et des pièces dont il disposera devant le Parquet, Matata Ponyo pourra toujours être blanchi. Tout dépend de sa défense. La justice peut arriver à un non-lieu, au classement sans suite, à une situation de preuve insuffisante ou à établir la culpabilité du sénateur Augustin Matata Ponyo», a-t-il fait remarquer.

D’autres juristes abordés, textes de loi en bandoulière, voient les choses dans la même direction. Ils pensent qu’outre la constitution, la décision prise par le bureau du Sénat est conforme à l’article 218 de son Règlement intérieur qui dispose qu’en dehors de la session, le bureau du Sénat statue sur la demande de levée des immunités parlementaires d’un sénateur.

Dans les faits, le sénateur Matata Ponyo assisté par son avocat conseil, comme l’exige la procédure, a eu droit à la parole lui accordée par les six membres du bureau à la séance qui a eu lieu dans la salle de banquet du Palais du Peuple, sous la présidence de Bahati Lukwebo, speaker de cette chambre des sages.

Peu avant, le bureau du Sénat avait auditionné le Procureur Général près la Cour constitutionnelle qui a éclairé sa lanterne sur ce dossier. 

Pour rappel, c’est le lundi 5 juillet que le bureau du Sénat a répondu à la correspondance du 21 juin dernier, du procureur près la Cour constitutionnelle sollicitant l’autorisation des poursuites contre Matata Ponyo sur le dossier de paiement des indemnités des victimes de la zaïrianisation. Il s’agit des faits qui remontent à 2012 et 2013 au moment où Matata Ponyo était Premier ministre.

Le réquisitoire du PG a indiqué que comme Premier ministre, Augustin Matata Ponyo a ordonné, en procédure d’urgence, le paiement de 110.907.681, 88 USD et 27.894.707,92 Euros entre 2012 et septembre 2013, au profit des 300 prétendus propriétaires qui auraient perdu leurs biens meubles et immeubles lors de la Zaïrianisation en 1973.

Il a soutenu qu’à l’issue des enquêtes menées à la Direction générale de la dette publique (DGDP), aucun dossier desdits 300 anciens propriétaires n’a été trouvé. Pire, il n’a été retrouvé ni la listes des acquéreurs de ces biens ni l’inventaire de ces biens, lesquels auraient déterminé le montant réclamé. Le réquisitoire a déduit qu’il s’agissait des dossiers fictifs, montés au niveau de la DGDP dans le but de détourner des fonds publics.

Le PG a estimé que pour avoir signé les différents protocoles d’accord avec les représentants des créanciers non identifiés, en sa qualité de ministre des Finances d’abord et avoir ordonné le paiement de ces représentants pendant qu’il était Premier ministre, il y avait lieu d’autoriser les poursuites judiciaires contre Augustin Matata afin qu’il exerce librement son droit de défense.

Pour le PG, il s’est avéré que les fonds décaissés à cette fin par le Trésor public ont bénéficié aux personnes étrangères à ce processus. Ce qui, soutient-il, constitue l’infraction de détournement des deniers publics réprimée par l’article 145 du Code pénal livre II tel que modifiée à ce jour.

Orly-Darel NGIAMBUKULU

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