Le Comité de recherche écologique et de reconstitution forestière (CREF) appelle à la création d’une bourse carbone visant à mobiliser les fonds à travers le monde, pour assurer la préservation des forêts du bassin du Congo et des tourbières de la RDC.
A cours d’une conférence de presse organisée récemment à Kinshasa, cette ONG a expliqué aux professionnels des médias, le rôle des forêts du Bassin du Congo et des tourbières découvertes en RDC et au Congo-Brazzaville dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Face à la réticence des pays puissants (producteurs des carbones) à s’acquitter de leurs devoirs de payer du crédit carbone aux Etats du Bassin du Congo, qui jouent un rôle important dans la conservation de la nature, la CREF estime important, l’instauration de la bourse carbone. Celle-ci aura pour mission de mobiliser les pollueurs gris (c’est-à-dire ceux qui ne sont pas taxés), à travers le monde, pour payer les pays gestionnaires des forêts et des tourbières.
Un prélèvement monétaire capital pour la réduction des émissions de gaz
A en croire la professeure Virginie Musenga Tshiey, docteure en Géosciences et présidente du Conseil d’administration de l’Inera, la taxe carbone est un prélèvement monétaire, c’est-à-dire la vente. Son objectif est de réduire les émissions de gaz à effets de serre. « Si nous l’avons, la forêt ne sera pas abusivement exploitée. C’est-à-dire le pollueur doit nous payer parce qu’on ne peut pas nous demander d’entretenir notre forêt sans contrepartie. Le peuple congolais qui vit de la forêt doit être dans de bonnes conditions de survie pour lui demander de ne pratiquer, par exemple, l’agriculture itinérante sur brulis, de ne pas couper des bois de chauffe, etc.« , a-t-elle expliqué dans son exposé, sur « l’impact d’une bourse carbone de la forêt du bassin du Congo« .
Selon les experts du secteur, la taxe carbone a un prix par rapport à chaque zone monétaire. En France par exemple, Mme Virginie Musenga Tshiey a fait savoir qu’en 2020, cette taxe a été fixée à 56 euros la tonne. Mais en Afrique dans les pays en développement, le minimum qu’on peut payer par tonne de carbone séquestré, est 10 USD.
Selon cette spécialiste des questions environnementales, le Bassin du Congo couvre 300 millions d’hectare de forêts. Et, par rapport à cette superficie, les pays du Bassin du Congo perdent énormément d’argent en termes de crédit carbone.
322 milliards USD de perte annuelle
« Quand nous considérons que la terre est énorme, une galerie forestière qui couvre 107.5 tonnes par hectare de biomasse, alors que notre forêt couvre 300 millions d’hectares. Mais si une seule galerie de 107.5 tonnes, si nous la prenons pour 10 dollars la tonne, considérons que les 300 millions d’hectares que nous devrons prendre avec une galerie de 107.5 tonnes/ha multiplié par 10 dollars par exemple, cela nous fait plus de 32 milliards de tonnes de biomasse capturées par notre forêt. Si seulement, on adhère à la bourse dont le marché est fixé à 10 dollars par exemple, chaque année les pays du bassin du Congo perdent plus de 300 milliards de dollars par an. C’est une mine d’or qui peut sortir le pays de la souffrance« , a-t-elle démontré.
De son côté, M.Jean Mukulutaghe, consultant et coordonnateur du comité CREF, estime que pour activer la bourse carbone, il faille d’abord répertorier les pays qui collectent la taxe carbone, avant de les inviter à restituer gentiment une part pour la forêt du Bassin du Congo.
« Nous avons dit dans une conférence organisée en 2019, que nous devons nous prendre en charge. Car, si ça continue comme cela, la forêt sera détruite par des gens qui y vivent, faute de compensation. Le monde est en danger à cause des incendies de forêt, des exploitants forestiers, des exploitants de champs, etc.« , a-t-il alerté. Selon lui, la même menace concerne les tourbières qu’il faut protéger. Et tout cela nécessite des moyens.
Jean Mukulutaghe ajoute que depuis cette conférence de 2019, beaucoup d’autres rencontres ont déjà souscrit à cette bourse. « Nous nous sommes dit que tous les pionniers de la conférence sont déjà d’office des actionnaires de la bourse, qui est public-privé. Donc, il y a d’abord l’Etat puisque le sol et le sous-sol appartiennent à l’Etat et tous les Etats de la région du bassin du Congo en proportion de leur pourcentage. La RDC occupe plus de 57% du bassin du Congo « .
La tourbière a des corrélations avec le bassin du Congo
Pour ce qui est des tourbières, poursuit-il, c’est surtout la RDC et le Congo-Brazza. Il y a un fond bleu qui existe sur le bassin du fleuve Congo et qui perçoit beaucoup d’argent. Malheureusement, cette somme est gérée par le Congo voisin, regrette-t-il. » Et pour ce qui est du carbone, nous n’allons pas nous laisser faire cette fois-ci. Nous devons garder notre dignité. Voilà pourquoi nous devons mobiliser tout le monde de souscrire à cette bourse « , a-t-il insisté.
Pour sa part, le professeur Roland Kakule, un autre spécialiste des questions environnementales, s’est beaucoup plus attelé sur l’importance de la taxe carbone dans la gestion des tourbières. Comme la forêt du bassin du Congo, la tourbière contribue beaucoup à maintenir le gaz dans son ensemble et surtout le dioxyde de carbone dans le sol. Et quand elle est maintenue, c’est grâce aux matières organiques provenant de la forêt.
« Ces matières organiques sont des feuilles d’arbres qui tombent (litière) et une fois qu’elles se décomposent, elles deviennent de l’humus et cet humus-là, c’est la matière organique qui, associée à l’humidité du sol, avec le marécage que nous trouvons dans la forêt, conserve le dioxyde de carbone, au point de le séquestrer (c’est-à-dire le scinder en deux en séparant le carbone de l’oxygène). Une fois il le scinde en deux, explique-t-il, il conserve le carbone qui est nuisible à l’homme, mais utile pour le sol et libère l’oxygène. C’est ce rôle que joue la tourbe, qui est le sol composé de l’humus et de l’eau« .
C’est dans ce sens que cette ONG envisage d’améliorer l’environnement, en créant la bourse carbone, en vue d’aider la RDC à gérer ces tourbières et la forêt pour que la population qui y vit puissent en bénéficier.
Rocco NKANGA