Depuis un certain temps les médecins congolais sont abonnés à un service minimum. «Forum des As» l’a constaté dans nombre d’hôpitaux publics. La grève des médecins, déclenchée le lundi dernier, tombe dans le pire moment. Au moment où le pays sombre sous le coup de la 3eme vague de Covid-19. Qui requiert autour des malades, la présence d’un grand nombre de personnel de santé, les médecins de prime abord.
Le Gouvernement est, dès lors, invité à se pencher sur les revendications des toubibs. Non pas avec des palliatifs à court terme, mais en terme des solutions pérennes. Car, de l’amélioration des conditions de travail et de vie de médecins, dépend le social des millions de Congolais.
Outre les médecins, il convient aussi de répondre aux attentes des infirmiers, qui venaient à peine de mettre provisoirement fin à leurs mouvements de grève. Reste à savoir pour combien de temps. Nous publions ci-dessous quelques reportages et entretien qui illustrent le malaise vécu dans les institutions médicales (Hôpital de l’Amitié sino-congolaise de N’djili, Hôpital de Kintambo et Hôpital Saint Joseph).
Yves KALIKAT
REPRESENTANT SYNDICAL DU SYNAMED A L’HASC A NDJILI
Dr Muzeme Mafu : » En déclenchant la grève, nous ne bafouons pas le serment d’Hippocrate «
Les médecins des services publics de l’Etat sont en grève depuis le lundi 12 juillet dernier sur toute l’étendue de la République. Pour cause, le Gouvernement tarde à répondre favorablement aux revendications des hommes et des femmes en blouse déposées sur sa table voici…5 ans. Aujourd’hui, tous les hôpitaux des services publics de l’Etat fonctionnent en service minimum qui court jusqu’au samedi 17 juillet prochain, la prochaine réunion d’évaluation devant intervenir le vendredi 16 juillet prochain. Entre temps, le Gouvernement a mis en place une commission pour examiner les revendications contenues dans le cahier de charges déposés par le syndicat. Pour en savoir davantage, la rédaction de Forum des As s’est entretenue avec le docteur Muzeme Mafu Elvis, médecin au Service d’imagerie à l’Hôpital de l’amitié sino-congolaise (HASC) de N’Djili, représentant syndical sectionnaire adjoint du Synamed ASBL (Syndicat national des médecins). Cette institution hospitalière emploie quelque 115 médecins, toutes spécialités confondues.
Forum des As : Pourquoi les médecins sont en grève ?
Dr Muzeme Mafu : La grève a été déclenchée suite à la non-satisfaction de nos revendications par le gouvernement. Nous réclamons l’amélioration de nos conditions de vie. Nous avons déposé un cahier des charges auprès du gouvernement depuis plus de 5 ans. Nous les réclamons à chaque gouvernement qui vient. Ainsi avons-nous déposé également ce cahier des charges au gouvernement actuel, espérant qu’il pourrait faire quelque chose de mieux pour la vie des médecins en réagissant aux différentes revendications.
Depuis quand avez-vous déposé ce cahier des charges ?
Depuis plus de deux semaines avec un préavis de grève lancé. Mais nous sollicitons toujours un dialogue avec le gouvernement qui a promis de résoudre nos problèmes.
Votre grève est consécutive à la non-tenue par le gouvernement de ses promesses ?
Nous pouvons dire que le gouvernement a promis de mettre en place une commission pour examiner notre cahier des charges. Nous nous sommes dit que nous commencions cette grève avec un service minimum et à l’issue de cela, nous allons évaluer.
Vous attendez donc la suite des travaux de la commission mise en place par le gouvernement pour soit lever la grève, soit la durcir ?
Oui. Nous attendons la suite des travaux de cette commission. Cependant, il appartient à la base de pouvoir décider de la suite à l’issue de ces travaux de la commission qui fera le rapport à nos représentants hiérarchiques provinciaux et nationaux de tous les trois représentants de nos syndicats (Synamed, Symeco et Sylimed).
Avec cette grève, vous avez mis de côté le serment d’Hippocrate ?
Nous ne l’avons pas mis de côté. Ce serait quelque chose grave que de mettre de côté, pour nos intérêts, le serment et le testament d’Hippocrate, nous qui suivons ces pas. Ce n’est pas pour rien que nous avons instauré un service minimum durant cette grève. Si bien qu’ici à HASC, nous traitons des cas d’urgence extrême pour sauver la vie humaine. Nos représentants provinciaux nous ont donné les modalités de cette grève à suivre pour sauver les vies humaines, en attendant les négociations avec le gouvernement. Mais chaque fois, les gens font allusion au serment d’Hippocrate. Mais pourquoi ils ne font pas allusion au testament d’Hippocrate ? Nous respectons le serment d’Hippocrate, nous ne bafouons pas la vie humaine.
Que dit grosso modo le testament d’Hippocrate ?
Ce testament dit ceci : un médecin est un grand monsieur, il doit avoir une bonne vie, il doit être bien payé, il doit bien circuler (dans de bonnes conditions), il doit bien s’habiller, il doit avoir une bonne morale. Grosso modo, un médecin doit avoir une vie meilleure pour pouvoir s’occuper des autres. Si un médecin n’a pas une bonne vie, en tant qu’humain, il lui sera difficile de s’occuper des autres. Mais malgré cela, vous allez vous rendre compte que les médecins congolais sont toujours présents sur le lieu de travail, ils travaillent toujours pour l’intérêt des malades, parfois dans des conditions difficiles. Nous sommes toujours au chevet des malades.
Pendant leur grève, les infirmiers et les autres agents administratifs ont estimé que les médecins étaient dans de bonnes conditions car bénéficiant d’un régime de faveur de la part du gouvernement…
Nous sommes en démocratie qui n’interdit personne de dire librement ce qu’il pense. Cependant, les infirmiers et les agents administratifs sont avec nous et voient comment nous nous bousculons pour prendre un moyen de transport avec eux. Or, par rapport au testament d’Hippocrate, il n’est pas bon qu’un médecin se bouscule pour trouver un moyen de transport. Dire que nous sommes mieux qu’eux, dès lors qu’ils connaissent nos conditions de vie, je ne crois pas et je me réserve.
Un mot au gouvernement
Que les autorités puissent tenir compte de notre cahier des charges, qu’elles puissent palper la précarité que vivent les médecins de la RDC. Que les autorités puissent devenir comme de bons pères de famille. Lorsque les enfants réclament quelque chose, les parents doivent les écouter pour résoudre tant soit peu ces problèmes et apaiser le climat. Nous osons croire que la commission mise en place par le gouvernement va nous présenter un résultat positif et satisfaisant aux réclamations des médecins de la RDC
Propos recueillis par Kléber KUNGU