C’est l’histoire de vrais faux propriétaires des parcelles face aux copropriétaires devenus, par la force des premiers, de vrais faux locataires. Un phénomène dont la fréquence le dispute à la récurrence à Kinshasa. Le passage du vieux livret de logeur au certificat d’enregistrement en passant par la fiche parcellaire n’y a pas changé grand-chose. Les abus en la matière continuent à abonder. Que de cohéritiers ne se sont-ils pas vus déposséder de tout droit de copropriété et donc de jouissance sur leur immeuble, véritable bijou de famille ! Que de veuves ne se sont-elles pas retrouvées sur la rue parce que la maison, bien commun, a été privatisée par un ou un groupe d’usufruitiers ?
Cette métaphore foncière qui parle aux Kinois peut aider à comprendre l’homélie -interpellation du Cardinal Ambon go lors de l’hommage officiel au Cardinal défunt. « La meilleure manière de rendre hommage à Laurent Monsengwo est de voir nos dirigeants ne pas se considérer comme les propriétaires de nos pays », a lancé en direct, tel un missile sol sol à bout portant, l’archevêque de Kinshasa.
Pas besoin de se triturer les méninges ni de se perdre en conjectures sur les cibles du tireur d’élite Ambongo. N’eussent-été les masques, beaucoup s’étant sentis morveux se seraient mouchés.
Présents sur l’esplanade du Palais du peuple et devant leurs petits écrans, les Congolais n’ont eu aucune peine du monde d’identifier certains copropriétaires érigés en « propriétaires » exclusifs des pays africains. Eux , leurs rejetons ainsi que tous leurs dépendants. En matière de l’immobilier, les Kinois ont cette belle formule : » mwana lopango afutelaka te« . En français facile : l’enfant du bailleur ne peut devenir locataire.
Seulement voilà, à l’échelle du pays, tous les citoyens sont copropriétaires. Ils ne saurait donc y avoir une poignée de » bailleurs » face aux millions de locataires ! Tous ont le droit de jouir de richesses du pays.
A en juger par la praxis, on est hélas à mille lieues, voire à des années- lumière du compte. Depuis les indépendances, les pouvoirs changent, mais les clés de la maison sont toujours entre les mains des dirigeants. Les gouvernés sont au mieux confinés dans la véranda-ou ce qui en tient lieu- et, au pire, maintenus à l’étroit dans la cour …commune exposés à toutes sortes d’intempéries.
C’est cette injustice abjecte que Fridolin Ambongo a fustigée hier. Une philippique que l’exégète Monsengwo n’aurait reniée ni sur la forme ni sur le fond. Grand esprit, bibliophile devant l’Eternel, Laurent Monsengwo aurait juste conclu le sermon coupe-gorge de son successeur par cette citation d’Albert Camus tirée de « La peste « : » Il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul « .
José NAWEJ