Congolité : les députés appelés à plus de responsabilité

*D’ores et déjà, Bintou Keita, Représentante  spéciale du Secrétaire général de l’ONU en RDC, prévient sur les «conséquences potentiellement dangereuses d’un débat clivant sur la nationalité. »

C’est fait. L’initiative de Noël Tshiani, portant proposition de loi sur la congolité, est désormais une proposition de loi, parce qu’endossée par le député national Nsingi Pululu, élu de Kinshasa. Ce dernier l’a déposée hier jeudi 8 juillet à l’Assemblée nationale. Le plus important à retenir de cette proposition de loi, est qu’elle  verrouille l’accès à la magistrature suprême. Seuls les Congolais nés de père et de mère pourront postuler et devenir Président de la République.

 Seulement voilà. Depuis son lancement, nombre de Congolais jugent ce concept de «congolité» discriminatoire et invitent la Représentation nationale à ne pas donner cours à cette proposition de loi, car jugée potentiellement dangereuse.

Au nombre des voix qui comptent et qui se sont exprimées sur le sujet, figurent d’abord les évêques catholiques. «Unis par le sort, les uns ayant la nationalité congolaise d’origine, les autres l’ayant par acquisition individuelle, nous sommes tous à titre égal, filles et fils de la RDC. Nous sommes invités à apprécier ce que nous sommes, apprécier aussi les autres, afin de mettre ensemble ce qui nous est commun et ce qui nous différencie, pour le plus grand bien de tous et la gloire de Dieu… », ont-ils déclaré à l’issue de la 58ème assemblée plénière ordinaire, tenue au mois de juin dernier au Centre d’accueil Caritas Congo à Kinshasa.

INITIER DES LOIS QUI DETRIBALISENT LES INSTITUTIONS

Dans leur message pastoral et prophétique, l’épiscopat congolais appelle à la cohésion nationale pour un Congo de justice, uni, stable et paisible. Ils demandent à ne pas voter les lois qui préconisent la discrimination et menacent la cohésion nationale. Les évêques et archevêques des 47 diocèses de la RDC invitaient ainsi les élus à initier des lois qui détribalisent les institutions, à se servir des immunités pour améliorer sensiblement la loi électorale, afin de rassurer la population de la crédibilité des élections en 2023. Pas seulement. Ils exhortent, en outre, le Président de la République à promouvoir les initiatives concourant à l’unité nationale… 

Dans la même veine, il y a la réserve de Bintou Keita. La Représentante du Secrétaire général de l’ONU en RDC a, dans sa déclaration le mercredi 7 juillet, lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, prévenu sur les conséquences potentiellement dangereuses qui pourront découler du débat sur la Congolité. «J’encourage les responsables des institutions, formations politiques et responsables de la société civile concernés, à travailler ensemble pour rassurer le pays sur l’organisation crédible et indépendante du processus électoral de 2023. Je souligne également la nécessité d’organiser des élections inclusives et apaisées, en prenant garde aux conséquences potentiellement dangereuses d’un débat clivant sur la nationalité», a-t-elle indiqué.

Nsingi Pululu qui, désormais, devient l’initiateur de cette proposition de loi des plus discriminatoires et qui a soulevé la levée des boucliers partout, soutient que ce verrouillage au profit des Congolais nés de pères et de mère, permet d’éviter des trahisons par manque de loyauté envers l’Etat dont sont originaires les parents étrangers. Un argument spécieux qui ne convainc personne de bon sens, à commencer par les propres collègues députés nationaux de Nsingi Pululu.

Une proposition de loi porteuse de germes de division, foi du député UNC Munobo

C’est le cas du député de l’UNC Juvénal Munobo. L’élu de Beni est monté au créneau, pour déclarer que cette proposition de loi porte les germes de division des Congolais.

Non seulement qu’elle divise, l’initiative de Noel Tshiani sur la «congolité» va inéluctablement conduire la RDC qui est encore un Etat fragile à la guerre civile, comme c’était le cas dans certains pays africains. Cas de la Côte d’Ivoire qui a connu près de dix ans de conflit armé.

Sans verser dans la subversion, nombre d’analystes estiment, cependant, qu’avec cette proposition de loi endossée par Nsingi Pululu, la RDC  risquerait elle aussi, d’être sur les traces de la Côte d’Ivoire. On apprend même qu’au sein du parti présidentiel,  l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), cette proposition ne ferait pas  l’unanimité quant à son approbation.

Selon Peter Kazadi, Haut Cadre du parti au pouvoir, les discussions sur la congolité sont un débat militant qui pourrit inutilement l’atmosphère politique en ce moment où la Nation est confrontée à plusieurs défis. A en croire ce député provincial, «Il est temps d’arrêter».

Se montrant confiant pour les prochaines échéances électorales en 2023, l’ancien directeur de cabinet du Chef de l’État, à l’époque président de l’UDPS, laisse entendre qu’aucun bon sens n’apportera soutien à l’exclusion de qui que ce soit. «En 2023 nous gagnerons à la régulière», a-t-il souligné.

Notons  que pour qu’une proposition de loi soit déclarée recevable par la plénière, elle doit recueillir la majorité absolue. Soit, 251 députés. Et pour qu’elle soit votée, une proposition de loi doit recueillir les 2 tiers de l’Assemblée nationale.

D’ores et déjà, Nsingi  Pululu assure avoir récolté plus de 200 signatures des députés soutenant sa proposition de loi dont, selon lui, une quarantaine du parti «Ensemble» de Moïse Katumbi. 

Reste à savoir si vraiment l’Assemblée nationale prendra sur elle la responsabilité de plonger le pays dans une crise (de trop ?) en avalisant le concept discriminatoire de «congolité». Cela constituerait un suicide politique. En définitive, d’aucuns pensent qu’il appartient au peuple congolais, et non aux acteurs politiques, de trancher le débat sur qui peut prendre la destinée du pays via les urnes. Car, les seconds, faisant preuve de réflexe d’attaquant rapide, multiplient généralement des stratagèmes pour éliminer d’avance leurs adversaires potentiels. D’où, l’appel à plus de responsabilité, lancé à la Représentation nationale.

 Didier KEBONGO et KANDOLO M.

Laisser un commentaire

Suivez-nous sur Twitter