Bruxelles prêt à restituer à Kinshasa ses objets illégitimement acquis pendant la colonisation

La Belgique s’apprête à restituer à la République démocratique du Congo, son ancienne colonie, des milliers d’objets d’art acquis de manière « illégitime » de 1885 à 1960. Mais la première étape consiste pour l’ancienne puissance coloniale à répertorier d’abord ces objets dont le nombre avoisinerait les 85.000.

 Le gouvernement belge a présenté le mardi 06 juillet dernier une feuille de route pour répertorier les objets acquis de manière « illégitime » au Congo de 1885 à 1960. Une démarche globale pour préparer de potentielles restitutions avant que les autorités congolaises n’en fassent une demande formelle..

Selon RFI, la Belgique détient à ce jour dans ses collections fédérales environ 85 000 objets provenant de la RDC. Il s’agit de statuettes, de masques et de nombreux ustensiles du quotidien, principalement regroupés à l’Afrika Museum de Tervuren près de Bruxelles.

QUELQUE 85 000 OBJETS

La proposition de cette démarche, apprend-on, est l’initiative de Thomas Dermine, secrétaire d’État pour la Relance et les Investissements stratégiques, chargé de la politique scientifique belge. Il explique que sur ces quelque 85 000 objets, environ un pour cent, soit quelque 883, peuvent déjà être versés dans la catégorie « acquis de façon illégitime« .

Il estime en outre que 60% des objets détenus dans les collections belges sont acquis légitimement, tandis qu’environ 40% nécessitent une étude approfondie de provenance réelle.

        » Car nous avons des preuves historiques suffisamment solides pour dire qu’ils ont été acquis dans des conditions de pillages, de massacres, de violence. Le caractère novateur de notre proposition, c’est de scinder la question de la restitution matérielle et celle de la restitution de la propriété juridique « , soutient. Thomas Dermine.

MISE EN PLACE D’UNE COMMISSION MIXTE BELGO-CONGOLAISE

Pour l’initiateur de la proposition,  il s’agit de sortir ces objets du domaine public sans attendre de demande formelle de la part des autorités congolaises et l’organisation d’un éventuel retour en RDC. Par conséquent, explique-t-il, ils ne seront plus considérés comme propriété de l’État belge, mais comme appartenant à l’État congolais, même s’ils seront conservés sur le territoire belge dans un premier temps.

« Il y a 60 % des objets détenus dans les collections belges pour lesquels, au contraire, on a relativement peu de doute sur le fait qu’ils ont été acquis de façon légitime, dans des circonstances de dons ou d’échanges commerciaux équilibrés« , poursuit Thomas Dermine.

TACHE COLOSSALE NECESSITANT 5 ANS ET 2,5 MILLIONS D’EUROS

Quant au reste d’environ 40% d’objets, ils nécessitent « d’accélérer les études de provenance est réelle« . Cette partie constitue le deuxième axe de la feuille de route présentée le mardi. Les autorités belges souhaitent «  entamer dans les prochains mois un travail diplomatique avec le Congo pour avancer sur l’organisation juridique, mettre en place une commission mixte belgo-congolaise. « 

       Une coopération scientifique entre chercheurs belges et congolais est déjà en place, mais l’ampleur de la tâche est colossale. Guido Gryseels, directeur général de l’Afrika Museum, estime qu’il faudrait a minima cinq ans et 2,5 millions d’euros d’investissement pour déterminer la provenance de tous les objets dont les conditions d’acquisition restent incertaines. Se pose aussi, selon lui, la question de la définition du caractère illégitime des conditions d’acquisition de certains objets, qui ont pu être obtenus sans violence, mais dans le cadre d’une transaction déséquilibrée.

Le secrétaire d’État pour la Relance et les Investissements stratégiques, chargé de la politique scientifique belge présente le caractère urgent de la tâche qui les attend.

AVANCER SANS PLUS ATTENDRE

«  L’objectif est d’avancer sans plus attendre, ajoute Thomas Dermine. C’est un sujet très fort en Belgique, après le mouvement Black Lives Matter, le 60e anniversaire de l’indépendance du Congo (30 juin 1960), les excuses publiques du roi Philippe pour les humiliations et les souffrances infligées au Congo (l’an dernier). « 

Le secrétaire d’Etat souhaiterait pouvoir présenter des avancées l’an prochain en même temps que les conclusions de la commission parlementaire Vérité et Réconciliation sur le passé colonial belge au Congo, attendues l’an prochain.

Bien que Kinshasa n’ait pas encore adressé une demande formelle, un collectif  composé d’associations, d’universités, et de membres de la société civile congolaise a, dans une pétition publiée dans la presse belge, réclamé en 2018 la restitution à la RDC des objets d’art anciens congolais conservés au Musée royal de Tervuren rénové après 5 ans de travaux.

       Le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, situé dans la banlieue de Bruxelles, est considéré comme le dernier grand musée colonial en Europe, avec 120 000 objets concernant le cas congolais. Ils ont été collectés entre la fin du XIXe siècle et l’indépendance du Congo belge, en 1960. Parmi ces trésors figurent le Bâton d’Ishango sur lequel sont marqués les signes mathématiques datant d’il y a 9 000 ans, selon le professeur Dirk Huylebrouck, docteur en mathématiques, ou encore les archives historiques inestimables dont celles, complètes, de l’explorateur Henry Morton Stanley

144 OBJETS D’ART RESTITUES A LA RDC VERS LES ANNEES 1970

Depuis quelque temps, certaines anciennes puissances coloniales ont entamé le processus de restitution d’objets d’art aux pays propriétaires. Après le Canada, l’Allemagne ou plus récemment la France qui se sont engagés à restituer les objets d’art aux pays propriétaires, c’est au tour de la Belgique de leur emboiter le pas.

Il y a bien eu une tentative dans les années 1970. Le président Mobutu avait alors réclamé à la Belgique la restitution à son pays de ces objets. Bruxelles avait alors rendu à l’ex-Zaire, au total, 144 objets d’art anciens qui furent entreposés au Musée national congolais, en projet de construction, mais jamais achevé. Certaines de ces œuvres ont été dérobées après la chute du Régime, renseigne-t-on.

Parfois l’absence de musées disposant de moyens de conservation satisfaisants est l’un des arguments qu’allèguent les pays détenteurs d’objets d’arts pour s’opposer à la restitution de ces objets. Ce qui n’est plus un handicap à la restitution des objets à la RDC car elle dispose dans sa capitale d’un nouveau musée national construit par la Corée du Sud et inauguré en novembre 2019.            Kléber KUNGU

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