Manuel Valls pense que l’avenir de l’Europe est en Afrique

Dans une interview exclusive accordée à la rédaction de MGH Partners, Manuel Valls pense que l’avenir de l’Europe est en Afrique et reste convaincu que l’Europe et les Etats-Unis ont également intérêt à bâtir un dialogue stratégique avec les Chinois, mais aussi renforcer la coopération sécuritaire avec les pays du Maghreb et du Sahel.

A l’en croire, le continent d’avenir demeure l’Afrique.  « L’Afrique-Europe est l’alliance de demain.  L’intérêt stratégique de l’Europe repose sur la capacité de l’Afrique à surmonter ses multiples défis, notamment démographique car, le continent va doubler sa population d’ici 2050.  Le Sahel doublera sa population en 20 ans et un pays comme le Nigéria comptera 500 millions d’habitants en 2050 « .

Manuel Valls estime que l’Europe a intérêt à pactiser avec l’Afrique si elle veut gérer ses propres défis, les flux migratoires, le risque terroriste, la question de réchauffement climatique, etc.  surtout qu’au sein du continent noir, les classes moyennes sont une réalité, la numérisation avance à toute vitesse, alors que des tensions subsistent et la démocratie peine à s’affirmer.

Bâtir un dialogue stratégique avec les Chinois

 » Je suis par ailleurs convaincu que nous devons aussi bâtir un dialogue stratégique avec les Chinois.   Il y a 5 ans, on préparait un sommet commun inédit : Afrique-France-Chine à Dakar, car les investissements chinois et notre connaissance du terrain, de l’histoire, la langue et la culture, peuvent nous permettre de bâtir des équilibres indispensables sur le plan économique et politique, sanitaire. Ce sommet n’a malheureusement pas eu lieu car nous n’étions plus au pouvoir après 2017.

Sur ce plan là, on a des partenaires exceptionnelles comme le Maroc, le Sénégal, la Côte d’Ivoire etc. On a des pays très intéressants en zone anglophone qui ont également participé au développement du continent africain ces dernières décennies. Je pense au Ghana, au Rwanda, à l’Éthiopie. Donc pour l’Europe, l’investissement économique et culturel est indispensable pour créer une communauté de valeurs « , a-t-il soutenu

Renforcer la coopération sécuritaire avec les pays du Maghreb et du Sahel

La coopération sécuritaire avec les pays du Maghreb et du Sahel, le ventre mou de l’Afrique subsaharienne, concerne tous les pays européens, souligne l’ancien Premier ministre français.  « En ce sens, dit-il,  le G5 Sahel est un outil très important. Et là on voit bien que la situation actuelle est extrêmement complexe, qu’en Mauritanie, au Burkina Faso et très récemment au Tchad, avec des incursions de groupes armées y compris jusqu’au nord de la Côte d’Ivoire, un risque multiforme et global se dessine. Et ce risque nous oblige à une très grande coopération et à des échanges d’informations. De ce point de vue là, nos amis Américains sont très importants avec les informations qu’ils nous transmettent au Sahel. On doit aider les pays de cette région, leurs armées, leurs services de renseignement, à se professionnaliser, à être plus solides pour gérer eux-mêmes ces crises. C’est une affaire qui va durer longtemps, mais qu’on doit affronter ensemble … « 

Selon M. Valls, l’Europe doit plus compter sur des pays comme le Maroc avec lequel elle partage une assise plus ancienne, plus structurée sur le plan sécuritaire que ce soit contre les trafics de drogue, le terrorisme ou l’immigration clandestine.  « Sans la coopération entre la France, l’Espagne le Portugal et le Maroc, fait-il savoir, nous ne pouvons pas lutter efficacement contre les risques sécuritaires. J’avais d’ailleurs mis en place un groupe de travail, lorsque j’étais Ministre de l’intérieur, qu’on avait appelé G4, pour rendre plus fluide encore la coopération entre responsables de lutte antiterroriste de 4 pays voisins. Cette coopération est cardinale, même quand il y a eu des tensions politiques et il y en a eu, la coopération entre services de renseignement français et marocain reste exceptionnelle et ce à tous les niveaux. « 

« Nous avons tout intérêt à établir une relation apaisée avec le Maroc. »

Sur un autre plan, n’oublions pas que la France, comme le Maroc, a des ressortissants ayant été en Syrie et en Irak et qui représentent dans leur pays respectifs une menace qui est à prendre très au sérieux. Grâce justement à cette coopération, plusieurs tentatives d’infiltration terroriste sur le sol français ou espagnol ont été déjouées.

Enfin, concernant le rôle stabilisateur du Maroc en Afrique,  » je l’explique aussi par sa formidable transformation économique réalisée depuis deux décennies. On voit bien que sur le plan économique, la projection marocaine en Afrique est une réussite et c’est à la France de s’appuyer sur ce partenaire africain clé pour jouer la symphonie cruciale du développement économique et de la sécurité. Car le Maroc joue un rôle indispensable pour la stabilisation de l’espace méditerranéen et de l’Afrique subsaharienne, étant lui même devenu aujourd’hui une terre d’immigration grâce au développement de son tissu économique. « 

Et pendant ce temps, poursuit-il, la France et l’Europe n’ont pas été à la hauteur et accusent un vrai retard. Elles n’ont pas salué comme il le fallait cet accord tripartite Maroc-USA-Israël, comme les autres, à l’instar d’Abu Dhabi. Peut-être que c’était une gêne par rapport à Donald Trump et Netanyahu, c’est compréhensible, mais seuls nos intérêts stratégiques doivent nous guider face aux nouvelles menaces qui émergent et qui poussent à établir de nouvelles alliances.

Face à l’arc chiite qui se constitue, de l’Iran au Liban en passant par le Yémen, face aux velléités périlleuses de la Turquie et dans un monde où les vieilles querelles entre nations reviennent entre arabes, turques et perses, note Manuel Valls, l’Europe et la France doivent définir là aussi qui sont leurs alliés.  « La France a une opportunité, une chance incroyable puisque nous sommes alliés d’Israël comme des pays arabes sunnites, notamment les Emirats Arabes-Unies. Ces derniers ont toujours été clairs dans la lutte contre le terrorisme à la différence du Qatar ou de l’Arabie Saoudite.

De ce point de vue, ce qui passe entre le Maroc et Israël, c’est le renouement d’une relation. Le Maroc a toujours fait vivre l’islam et le judaïsme, dans sa constitution et dans son récit national. La personnalité du roi et son rôle de Commandeur des Croyants, dans le monde arabo-musulman est considérable. Les juifs Marocains qui vivent en Israël, constituent autant de raisons pour la reprise de relations diplomatiques. Et je pense que Trump a eu raison de créer l’étincelle en actant la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Cette dynamique est considérable et notons d’ailleurs qu’Israël comme le Maroc ont été capables du meilleur dans la crise sanitaire que nous vivons : ces deux petits pays (démographiquement parlant), ont été capables d’affronter seuls, je dis bien seuls, le grand défi sanitaire posé par la pandémie de la Covid-19.  » 

Rocco NKANGA

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