* Félix Tshisekedi avait prévenu les Congolais : » Ne faites pas de moi un dictateur… «
Président du Bureau du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo passe depuis le 15 juin 2021 des moments difficiles à la suite du rejet, par la majorité des membres de sa chambre, de la levée des immunités du sénateur Augustin Matata Ponyo, soupçonné de détournement des fonds publics investis dans le projet-pilote du Parc Agroalimentaire de Bukanga Lonzo. Fonds estimés par l’Igf à plus ou moins 200 millions de dollars Us. La clameur publique voudrait voir l’ancien Premier ministre plutôt traduit en justice que protégé par son statut de sénateur. Depuis, c’est le branle-le-bas de combat dans les états-majors de certaines forces vives qui vont jusqu’à soutenir une pétition de dissolution de la chambre haute avec pour conséquence directe la mise en chômage de tous les sénateurs, mais aussi la fin du mandat du sénateur à vie…
Quelle est la responsabilité de Modeste Bahati Lukwebo dans le choix individuel des sénateurs ayant pris part à cette plénière du 15 juin 2021, chacun des participants n’ayant qu’une voix ? Aucune.
Il est vrai que, soumise au vote en plénière, la demande de levée des immunités par le procureur général près la Cour constitutionnelle, a surpris une bonne partie de l’opinion en ce que sur 96 votants, 49 ont dit non et 46 oui, un seul bulletin ayant été déclaré nul.
Certes, pour avoir été désigné fin 2020 informateur en vue d’identifier la nouvelle majorité parlementaire sous la dénomination » Union Sacrée de la Nation « , pour avoir en plus rendu compte de sa mission le 28 janvier dernier, Modeste Bahati Lukwebo, élu le 2 mars dernier au poste de président du bureau du Sénat, est pour une bonne partie de l’opinion le » gardien du temple USN « .
Cependant, comme l’indique le titre, il n’est pas à comparer avec un commandant de troupes dans l’armée, le Sénat étant une institution démocratique ; ce qui n’est pas le cas de la grande muette.
CONFORMEMENT AU REGLEMENT INTERIEUR
L’enseignement à retenir de la plénière du Sénat du 15 juin 2021 est que, quel que soit le mode de vote adopté, le sénateur est libre de se prononcer sur une matière donnée et en assume entièrement la responsabilité.
On en veut pour le fait que la veille de la plénière consacrée à la question des immunités d’Augustin Matata, la chambre haute a voté sans problème la loi sur l’habilitation pourtant bloquée au niveau de la chambre basse, elle aussi à majorité Union sacrée.
L’opinion est comme appelée à comprendre qu’aux termes de l’article 85 de son Règlement intérieur, « Le Sénat ne siège valablement qu’à la majorité absolue des membres qui le composent. Il ne prend ses décisions que si les deux tiers de ses membres sont présents. Si ce quorum n’est pas atteint avant le vote, la séance est suspendue. Une séance subséquente est convoquée dans les 24 heures. Au cours de cette séance, les décisions sont valablement prises à la majorité absolue des membres présents « . Cet article a un troisième alinéa ainsi libellé : « Sous réserve de dispositions de la Constitution ainsi que de celles du présent Règlement intérieur, toute décision, toute résolution, toute recommandation est prise à la majorité absolue des membres qui composent le Sénat « . Le président Modeste Bahati Lukwebo a respecté cette disposition.
Déjà, des 28 tâches dévolues au président du Sénat dans le règlement intérieur du 16 septembre 2019, aucune ne lui reconnaît la compétence ni l’autorité d’imposer sa volonté aux sénateurs. En effet, la quatrième tâche l’habilite à « faire observer toutes les dispositions constitutionnelles et légales relatives au Sénat ainsi que le Règlement intérieur « , la cinquième à » convoquer les Sénateurs aux séances « , la septième à » présider les séances plénières « , la neuvième à » assurer la police des séances, accorder ou retirer la parole « , la dixième à « ramener au débat les orateurs qui s’écartent du sujet en discussion « , tandis que la douzième à » annoncer les résultats de vote « .
PETITION POLITIQUEMENT MOTIVEE
Sur ces entrefaites, une pétition initiée par un membre de l’Union sacrée de la nation en appelle à la dissolution du Sénat. Prétexte avancé : être une institution budgétivore, au même titre que le Cnsa et le Csac. » Le Sénat n’a pas sa raison d’être dans la mesure où il fait double emploi avec l’Assemblée nationale « , soutient son initiateur.
Malheureusement, la coïncidence entre cette démarche et la non-levée des immunités du sénateur Augustin Matata gonfle la fronde contre la chambre haute.
On devrait pourtant se souvenir que la mise en place du Sénat dans sa configuration actuelle remonte à la transition issue du Dialogue intercongolais en 2003. Cela fait 18 ans que cette chambre existe et fonctionne.
Qu’est-ce qui justifie ce besoin soudain d’en réclamer la dissolution maintenant, et maintenant seulement ? Si c’est du fait pour cette institution d’être présidée par Modeste Bahati Lukwebo, la pétition est alors politiquement motivée. Elle est née d’une crise interne à l’Afdc-A pour des raisons connues de tout le monde.
Il n’y a pas donc d’amalgame à faire. Les prémisses étant piégées, l’épilogue ne peut qu’en être confus. Et ce n’est pas rendre service au chef de l’Etat que de lui retourner le contraire de la mise en garde faite aux Congolais au début de son mandat, quand il déclara » Ne faites pas de moi un dictateur « .
On veut faire de lui un dictateur.
CP Simon Lutandila