La mort de Béchir Ben Yahmed, fondateur de Jeune Afrique, ne pouvait me laisser indifférent, étant donné que j’ai connu l’homme à travers sa femme et son fils Marwane.
Béchir Ben Yahmed, je l’ai connu depuis l’époque du Zaïre, à travers sa plume aiguisée. Pour rien au monde, je ne manquais de lire sa célèbre page éditoriale «Ce que je crois». C’était mon pain de chaque semaine ou presque au Centre culturel français, au Centre de documentation belge, ou encore au Centre Wallonie Bruxelles et auprès de mon oncle paternel Ali Idi Kumbakisa à l’époque commissaire du peuple (député) qui ne manquait aucun numéro de Jeune Afrique.
En exil au Congo-Brazza, j’ai continué à me former et m’informer par Jeune Afrique au Centre culturel français. Arrivé en France aux Pays Basques à Bayonne Biarritz et Anglet où il y avait très peu d’Africains, coupé des nouvelles du pays et du continent, difficile de capter RFI, c’est Jeune Afrique qui était ma seule, bonne et fiable source d’information. Et donc, mon solide trait d’union avec l’Afrique. Une fois installé à Paris, où j’étudiais les sciences politiques à l’université Paris 8, je ne manquais aucun numéro du «55ème État d’Afrique». Je fréquentais régulièrement le siège du journal sur 57 bis Rue D’auteuil Paris 7, pour me documenter.
À la réception, il y avait un frère congolais de Brazzaville avec qui je taillais bavette sur la situation du continent avec d’autres visiteurs africains. Me trouvant en Angleterre pour améliorer mon anglais, tenant compte de l’exigence académique, je ne pouvais pas me séparer de Jeune Afrique de peur de me déconnecter du continent et plus particulièrement de mon pays, la RDC.
La dernière fois que je suis allé au siège de JA, j’étais accompagné par un ami francophile Désiré Pongo, Vice-président du MPCR, parti politique du président de l’Assemblée provinciale du Kongo Central, Honorable Jean-Claude Vuemba. J’étais reçu chaleureusement par Marwane Ben Yahmed, directeur de la publication sur recommandation de Madame Danielle, épouse de Bechir Ben Yahmed et vice présidente du groupe à qui je présente mes condoléances les plus attristées, ainsi qu’aux enfants de l’illustre disparu, sans oublier l’équipe rédactionnelle du groupe JA.
Mon témoignage sur l’importance de ce magazine né au même moment que l’Afrique indépendante, est fusionnel, passionnel et émotionnel.
Jeune Afrique est un média qui a forgé précocement ma formation politique. Plusieurs fois, j’ai publié des tribunes (sur la Francophonie, la démocratisation de l’Afrique, la prison de Makala après ma libération, l’unification de l’Afrique, etc.) et accordé des interviews à ce magazine panafricain par excellence. J’étais aussi un fervent intervenant de la rubrique Vous et Nous où j’ai publié plusieurs articles en rapport notamment avec les combats de l’UDPS dont je suis l’un des co-fondateurs.
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Béchir Ben Yahmed a écrit en lettres d’or une bonne partie de l’histoire de l’Afrique. Il a répondu très tôt à une sorte d’appel de Patrice Lumumba qui demandait aux Africains d’écrire eux-mêmes l’histoire de leur continent, berceau de l’humanité. Que l’âme de ce grand panafricaniste engagé qui, comme un symbole, dépose sa plume le jour de la journée mondiale de la liberté de presse, repose en paix.
Moise Moni Della
Vice-ministre honoraire de la Presse et de l’Information de la RDC