*Cela résulte de l’état de siège, décrété le 30 avril par le Chef de l’Etat dans ces deux provinces, théâtre de violences armées et de massacres.
Comme annoncé, le Président de la république, Félix-Antoine Tshisekedi, a formalisé l’état de siège, décrété le 30 avril dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Ce régime d’exception prend effet à dater du 6 mai courant pour une durée de 30 jours.
Selon l’ordonnance présidentielle formalisant cette mesure, lue à la télévision nationale par le porte-parole du Chef de l’Etat, Kasongo Mwema Yamba Yamba, hier lundi 4 mai, les autorités civiles des gouvernements provinciaux de l’Ituri et du Nord-Kivu, celles des entités décentralisées et déconcentrées desdites provinces, seront remplacées par les officiers des forces armées de la RDC et/ou de la Police nationale congolaise (PNC), désignés à cet effet.
Par conséquent, souligne la même source, l’action de juridiction civile sera substituée par la juridiction militaire. Ce n’est pas tout. Au cours de la même période, les privilèges et immunités ne sont pas d’application pendant l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Cependant, l’ordonnance présidentielle précise qu’en aucun cas, il ne sera dérogé aux droits et principes fondamentaux ci-après : « Le droit à la vie; l’interdiction de la torture et des peines ou traitement cruel, inhumain ou dégradant; l’interdiction de l’esclavage et de la servitude ; le principe de la légalité des infractions et des peines; le droit de défense et le droit de recours; l’interdiction de l’emprisonnement pour dettes ; la liberté de pensée, de conscience et de religion. »
Des instants plus tôt, le Président de la république, dans une brève allocution télévisée diffusée à la télévision nationale, a expliqué les raisons qui l’ont motivé à décréter l’état d’urgence.
« Je m’engage dans cette lutte avec détermination de trouver une solution définitive à l’inacceptable situation de l’Est. J’entends le cri de détresse de notre population et ressens les douleurs qu’éprouvent nos mères, nos sœurs, nos filles dans ces provinces ravagées par la barbarie« , a-t-il déclaré.
Le Président de la république a lancé un appel à la mobilisation générale en s’adressant particulièrement à chaque catégorie de la société.
« À toutes les couches sociales internes et à nos compatriotes vivant à l’extérieur du pays, d’exprimer la solidarité et la cohésion nationale avec le peuple de l’Est et de rester vigilant et attentif pendant cette période et à cette cause salutaire jusqu’au rétablissement de la paix « , a notamment dit le Président.
« Aux hommes et aux femmes des médias, d’appuyer à travers leurs programmes respectifs l’action des forces armées« , a lancé Tshisekedi avant de convier les populations locales, de « coopérer étroitement avec les autorités militaires déployées en dénonçant les ennemis du peuple et toute complicité« .
Il a salué » la bravoure » des FARDC qui se battent jour et nuit et a réaffirmé sa décision » d’aborder de la manière la plus efficace qu’il soit le problème de terrorisme dans l’Est « .
Le chef de l’État a invité chaque Congolaise et chaque Congolais à une mobilisation totale pour faire front avec nos forces armées, déployées pour sécuriser notre territoire.
« Nos vaillants militaires doivent être appuyés par une prise de conscience collective de tous leurs compatriotes« , a-t-il dit. Il appelle la classe politique toute entière « de ne mener aucune action de nature à saboter ni à décourager nos forces armées« , tout en invitant les servantes et serviteurs de Dieu, de prier pour la nation et pour nos forces armées au front.
Donner des moyens aux militaires
Au gouvernement le chef de l’État recommande « de ne ménager aucun effort pour assurer la logistique nécessaire aux forces armées déployées au front« .
Et le Président de la république fait bien d’insister, car c’est justement le plus dur à faire: donner suffisamment des moyens aux militaires en termes de rations, de logistique pour accomplir leurs missions. Parce que, par le passé, il y a eu ces états de siège qui se sont transformés en des brimades de la population.
En un mot comme en cent, la logistique et l’intendance devront suivre. Lire ci-dessous, l’ordonnance présidentielle portant mesures d’application de l’état de siège à l’Ituri et au Nord-Kivu. Didier KEBONGO
ORDONNANCE N°21/015 DU 3 MAI 2021 PORTANT MESURES D’APPLICATION DE L’ETAT DE SIEGE SUR UNE PARTIE DU TERRITOIRE DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.
Le Président de la République,
Vu, la Constitution telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006, spécialement en ses articles 61, 69, 79, 85, 144 et 145 ;
Vu, la loi organique n°11/012 du 11 aout 2011 portant organisation et fonctionnement des Forces Armées, spécialement en ses articles 2, points 14, 5, 7, 9, 12 et 124.
Vu, la loi organique n°11/013 du 11 aout 2011 portant organisation et fonctionnement de la Police nationale congolaise, spécialement en ses articles 14, 18, 80 et 81 ;
Vu, la loi n°23/2002 du 18 novembre 2002 telle que modifiée et complétée à ce jour, portant Code judiciaire militaire, spécialement en ses articles 115, 173, 224, 306, 308 et 316 ;
Vu, l’ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et fonctionnement du Gouvernement, modalité de collaboration entre le Président de la république et le Gouvernement ainsi qu’entre les membres du Gouvernement, spécialement en ses articles 62, 63 et 64 ;
Vu, l’ordonnance n°21/015 du 2 mai 2021 portant proclamation de l’état de siège sur une partie du territoire de la République Démocratique du Congo ;
Vu, l’Arrêt S/ R.CONS.61TSR du 30 novembre 2007 de la Cour Suprême de Justice, toutes sections réunies siégeant en matière d’appréciation de la conformité à la Constitution et au Règlement intérieur du Congrès ;
Vu, l’Arrêt S/RCONS.1200 du 13 avril 2020 de la Cour constitutionnelle siégeant en matière de contrôle de constitutionnalité ;
Considérant que la situation qui sévit dans la province de l’Ituri et dans la province du Nord-Kivu est de plus en plus préoccupante de par sa nature et sa gravité et qu’elle constitue d’une manière immédiate une menace contre l’intégrité du territoire national, affectant ainsi le fonctionnement régulier des institutions ;
Considérant les conséquences néfastes de la crise sécuritaire provoquée par ce cycle récurrent de violences qui impose la prise de mesures exceptionnelles en vue d’endiguer ces menaces graves et de sécuriser les populations ;
Vu, la nécessité et l’urgence;
Le Conseil des ministres entendu ;
ORDONNE :
Article 1er : Pendant l’état de siège et en application des dispositions de l’ordonnance n°21/ 015 du 3 mai 2021, les Gouvernements provinciaux de l’Ituri et du Nord-Kivu sont composés respectivement d’un Gouverneur militaires et d’un vice-gouverneur policier.
Les gouverneurs, les vice-gouverneurs et les autres autorités des Entités territoriales décentralisées et déconcentrées de ces provinces sont nommées et le cas échéant, relevées de leurs fonctions par Ordonnance du Président de la République sur proposition du Gouvernement, le Conseil supérieur de la défense entendu.
Les Gouvernements provinciaux ainsi que les Assemblées provinciales desdites provinces, telles que définies à l’article 198 de la Constitution, sont suspendues et leurs prérogatives sont transférées aux autorités militaires visées à l’alinéa précédent.
Toutefois, les membres des Gouvernements provinciaux et Assemblées provinciales suspendus continuent à jouir de leurs avantages sociaux.
Article 2 : Les autorités des provinces appliquent les lois et règlements de la République pour faire face à la situation et assure le bien-être collectif des populations de leurs provinces.
Dans l’exercice de leurs fonctions, les Gouverneurs relèvent le ministre ayant la Défense nationale dans ses attributions.
Les autorités provinciales disposent de l’administration publique de la province, de la Police nationale congolaise et de tous les services nationaux en province.
Le cabinet du Gouverneur de province est composé de cinq collaborateurs nommés et, le cas échéant, relevés de leurs fonctions par Arrêté du Gouverneur de province.
Article 3 : Les fonctions du Gouverneur, vice-gouverneur et des autres autorités des Entités territoriales décentralisées et déconcentrées prennent fin à l’expiration du délai prévu pour l’état de siège, sauf en cas de prorogation, conformément à la Constitution.
Toutefois, il peut être mis fin, aux fonctions du Gouverneur et vice-gouverneur militaire par Ordonnance du Président de la République avant la fin de l’état de siège, en cas de nécessité.
Article 4 : Dans l’accomplissement de leurs missions, les autorités provinciales militaires sont investies des prérogatives exorbitantes de la légalité normale dans la limite du respect de la dignité humaine, du respect de la vie et de la propriété privée.
Ils ont notamment le pouvoir de :
– Faire des perquisitions de jour et de nuit dans les domiciles,
– Eloigner les repris de justices et les individus qui n’ont pas leurs domiciles dans les lieux soumis à l’état de siège ;
– Rechercher et ordonner la remise des armes et des munitions ;
– Interdire les publications et les réunions qu’elles jugent de nature à exciter ou à porter atteinte à l’ordre public ;
– Interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et heures qu’elles fixent ;
– Instituer par décision, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ;
– Interdire le séjour en toute ou partie de la province, à toute personne cherchant à entraver, de quelle que manière que ce soit, l’action du pouvoir public ;
– Interpeller toute personne impliquée dans le trouble de la paix et de l’ordre public et la déférer devant les juridictions militaires compétentes ;
– Prendre toute décision qu’elles jugent utile pour l’accomplissement de leurs missions.
Article 5 : Pendant toute la durée de l’état de siège, le Gouverneur militaire a la conduite des opérations. En outre, il a le plein pouvoir de gestion de la police et de maintien de l’ordre dans la province désignée.
Il décide sur toutes les questions, sauf celles qui relèvent de la compétence des autorités nationales.
Article 6 : Pour toute la durée de l’état de siège, la compétence pénale des juridictions civiles est dévolue aux juridictions militaires.
Article 7 : La présente Ordonnance sera soumise à la Cour constitutionnelle, conformément à l’article 145 de la Constitution.
Article 8 : Le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières, le Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et Garde des sceaux ainsi que le Ministre de la Défense nationale et Anciens combattants, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, d’exécution de la présente Ordonnance qui sort ses effets à la date de sa signature.
Fait à Kinshasa, le 3 mai 2021
Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO
Jean-Michel SAMA LUKONDE KYENGE,
Premier Ministre