Freddy Mulumba lance le débat sur la révision des contrats miniers en RDC

La renégociation de tous les contrats miniers en République démocratique du Congo se trouve actuellement au centre des débats dans différents salons du pays.  Le chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, a lui-même réaffirmé, dernièrement à Kolwezi,  cette volonté de tirer profit des ressources minières du pays, à travers la révision de certaines clauses des contrats avec les entreprises minières opérant en RDC.

C’est dans cette optique que le Directeur général du magazine  » Renaissance africaine  » a organisé, le samedi 15 mai dernier,  une matinée de réflexion autour du thème :  » La RDC face au bradage des ressources naturelles « .  Cette conférence-débat a été circonscrite par le Directeur général adjoint de la RTNC et directeur général du magazine  » La renaissance africaine « , Freddy Mulumba Kabwayi, avant de laisser la place aux interventions de deux éminents professeurs économistes, Noël Tshiani Muadiamvita et Emile Ngoy Kasongo, respectivement autour des sous-thèmes : « Bradage des ressources naturelles de la RDC, que faire pour protéger les intérêts nationaux  » et  » Conséquence du bradage sur l’économie nationale « .

Dans son mot introductif, le chercheur Freddy Mulumba s’est dit inspiré par l’intervention de M. Yuma, président du Conseil d’administration de la Gécamines, au cours d’une interview accordée à RFI, dans laquelle il déclarait que l’Etat congolais a été contraint, vers les années 1990-2000, sous le conseil des partenaires militaro et multilatéraux de céder la majorité de ses actifs miniers aux partenaires étrangers. 

Il a accusé clairement le FMI et la Banque mondiale d’être à la base des manœuvres pour le bradage des ressources minières.  Par ailleurs, dit-il,  le président de la République a dénoncé dernièrement à Kolwezi, capitale mondiale du cobalt, des contrats miniers signés au détriment des intérêts du peuple congolais.

QUATRE ETAPES DE BRADAGE DES RESSOURCES DE LA RDC

Et pour mieux comprendre ce bradage, Freddy Mulumba fait une brève lecture de l’histoire minière du Congo, en décelant quatre phases de bradage des ressources naturelles de la RDC depuis l’époque coloniale jusqu’à ce jour.

A l’en croire, la première  phase de bradage des ressources minières de la RDC intervient entre 1885 et 1906 entre le président de l’Etat indépendant du Congo et les multinationales occidentales.  «  A cette époque, il y a un décret qui stipulait que les Congolais ne pouvaient considérer comme leur appartenant uniquement que des terrains occupés par eux et des champs effectivement mis en valeur.  Toute autre terre inoccupée était déclarée possession du nouvel Etat indépendant du Congo « , fait-il savoir.

Et de poursuivre qu’en 1906, lorsque l’entreprise léopoldienne était vouée à être annexée à l’Etat  belge, Léopold II, en collaboration avec sa société commerciale coloniale, se sont arrangés pour sauver la fortune royale du futur contrôle du gouvernement belge.  Ensemble, ils ont transformé ces sociétés d’Etat en sociétés semi-privées, dont les plus connues étaient : l’Union minière du Haut Katanga (Gécamines), la Forminière, la Compagnie de chemin de fer du Bas-Congo au Katanga (BCK), American Congo Company.

La deuxième phase du bradage fut opérée au mois de juin 1960, lorsqu’une loi relative aux sociétés coloniales fut votée auParlement  belge, stipulant que les sociétés peuvent avant le 30 juin 1960 décider, soit le transfert au Congo de leur principal établissement, soit l’abandon de la qualification des sièges sociales attachées au siège de la maison sociale existant au Congo et se soumettre au droit belge, tout en concevant  les sièges d’exploitation du Congo.  Ainsi, fait remarquer Freddy Mulumba, les grandes entreprises coloniales transfèrent leurs sièges à Bruxelles et demeurent les sociétés de droit belge.

La troisième phase se situe durant la période de transition sous le Gouvernement Kengo en 1994, où la Banque mondiale et le FMI avaient contraint le Gouvernement de signer des contrats avec les multinationales étrangères, dans le domaine d’exploitation de l’or, de cobalt, du cuivre, etc.  Et ces mêmes entreprises, révèle-t-il,  se sont retrouvées du côté de la rébellion durant la guerre d’agression, à l’époque de l’AFDL.  Enfin, la quatrième phase de bradage est à trouver à l’époque de la guerre d’agression où le pays était divisé en quatre pôles.

Que faire pour protéger les intérêts nationaux ?

Pour le professeur Noel Tshiani, économiste de renommée internationale et auteur de plusieurs publications, la RDC est très malade et victime depuis très longtemps de nombreux fléaux tels que : l’insécurité généralisée, les violences, les rébellions meurtrières, les massacres des innocents, le népotisme, la corruption, le détournement, etc.

Il soutient que le sous-sol congolais compte un total de 1.100 minerais et métaux précieux différents d’une valeur estimée à 24 mille milliards dollars américains .  Mais à cause de la corruption, cette abondance des ressources naturelles ne profite nullement au pays.

Pour cet ancien candidat président de la République, « chaque année, la RDC perd 10 à 15 milliards USD, sous forme de fraude fiscale et détournement de fonds publics.  Et si on fait allusion aux pertes provenant du secteur minier, c’est encore beaucoup plus.  Cette hémorragie prive le pays des ressources importantes pour financer le développement et payer correctement les fonctionnaires, les militaires, les policiers, les professeurs, les médecins, les retraités, etc« .

INVENTORIER PLUSIEURS ENTREPRISES MINIERES

Sur ce, Noel Tshiani Muadiamvita recommande que plusieurs entreprises minières opérant en RDC soient inventoriés et que leurs contributions en termes d’emploi, d’impôt et de transformations des matières premières en produits semi-finis et finis soient réévaluées au cas par cas.  Il propose aussi de révisiter certaines clauses du code minier pour accroître sa contribution effective au développement du pays.

Ainsi ce professeur d’économie aux facultés catholiques et protestantes de la RDC recommande la mise en place d’une commission à cinq pieds, incluant le Gouvernement, le Parlement, la justice, les organes de contrôle (IGF, Cour des comptes), et la société civile, en vue de passer en revue tous les contrats miniers sans exception, pour enfin les renégocier avec les investisseurs étrangers de façon à rétablir le peuple congolais dans ses droits, tout en préservant les intérêts raisonnables de toutes les parties.

Repenser le modèle de développement de la RDC

Dans son intervention axée essentiellement sur les solutions à apporter pour mettre fin au bradage des ressources naturelles de la RDC, le professeur Emile Ngoy Kasongo  a trouvé qu’il y avait nécessité de repenser le modèle de développement de la République démocratique du Congo, sur les nouveaux fondements plus résilients de manière à endiguer tous ces phénomènes, sources de bradage des ressources naturelles à l’échelle internationale.

Pour ce faire, martèle-t-il, les stratégies de politique économique du Gouvernement devraient mettre un accent particulier, notamment sur les améliorations du climat des affaires et la qualification de la main-d’œuvre locale.   » Il faut former la qualité, mettre en place et développer des unités industrielles capables de transformer localement notre immense dotation en ressources naturelles pour assurer sa valorisation et nous assurer notre hégémonie sur le plan économie dans la région « .

En conclusion, l’organisateur de cette conférence-débat, a  soutenu qu’il était temps de renégocier les contrats miniers pour que le peuple congolais retrouve son bonheur.  Et pour cela, ajoute-t-il,  » il faut le soutien de l’opinion, surtout les intellectuels congolais qui ont été à l’école des Blancs pour créer un rapport de force intellectuel lors des négociations avec les multinationales dans l’intérêt du pays.  Le peuple d’abord et Ne jamais trahir le Congo, sont deux concepts qui vont nous aider à amener ce pays dans une vision de grandeur pour que l’Afrique renaisse et compte parmi les grandes puissances dans ce monde en mutation « , conclut-il. 

Rocco NKANGA

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