Frustrés, après la publication du gouvernement le lundi 12 avril, une frange de députés nationaux membres de l’Union Sacrée de la nation, aurait décidé de bloquer l’investiture de l’exécutif SamaLukonde. 138au départ, le nombre de ces frondeurs a franchi la barre de 200 hier, affirme l’un d’eux, Daniel Mbau, député MLC cité par la radio privée Top Congo Fm. Ces mécontents comptent adresser un mémorandum au Président de la République dans les prochaines heures. Ils estimentqu’ils n’ont pas été récompensés à la hauteur de leur lutte,celle d’avoir fait basculer la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale.
Pour ces députés, le premier vice-président de l’Assemblée nationale et président du parti présidentiel, Jean-Marc Kabund, n’a pas tenu promesse. Vu des analystes, le comportement de ces députés nationaux plante déjà le décor d’une crise entre l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Ainsi, en cas de rejet du Programme du Gouvernement, celui-ci sera déclaré démissionnaire conformément aux dispositions des alinéas 5 et 6 de l’article 90 de la Constitution du 18 février 2006 en vigueur au pays.
Sur pied de cet article, le constituant dispose : « Avant d’entrer en fonction, le Premier ministre présente à l’Assemblée nationale le programme du Gouvernement. Lorsque ce programme est approuvé, à la majorité absolue des membres qui composent l’Assemblée nationale, celle-ci investit le Gouvernement. «
Partant de la situation qui prévaut depuis quelques jours à l’Assemblée nationale, des observateurs redoutent un blocage qui pourrait conduire la République démocratique du Congo droit au mur. En d’autres termes, le pays risque de sombrer dans une crise politique sur fond d’instabilité institutionnelle aux conséquences bien fâcheuses. Ce qui ne serait profitable, ni au pays tout entier ni aux députés nationaux grincheux.
Ce qu’il faut souligner ici, est qu’au cas où ces députés maintenaient leur position, la donne changera au niveau de la Chambre basse du parlement. En d’autres termes, le Président Félix Tshisekedi perdra ipso facto sa nouvelle majorité dite Union Sacrée de la nation. Ce qui pourrait, par conséquent, l’amener à dissoudre l’Assemblée nationale, conformément aux prescrits de l’article 148 de la Constitution qui stipule : » En cas de crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale, le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. «
On rappelle que déjà en décembre dernier, alors qu’il lançait l’initiative de la création d’une nouvelle majorité parlementaire, Félix Tshisekedi n’avait pas exclu l’hypothèse de liquider la Représentation nationale, en cas de difficultés ou d’impossibilité de faire changer à l’hémicycle, après la dissolution de la coalition FCC-CACH.
Dans un contexte de précarité économique actuelle dans le pays, personne ne conseillerait le Chef de l’Etat congolais à emprunter la voie de la dissolution. Car, il lui faudrait réunir les moyens matériels et financiers nécessaires pour organiser de nouvelles élections endéans 60 jours, tel que le prévoit l’article 148 sus-évoqué la constitution qui, en son alinéa dispose : « À la suite d’une dissolution de l’Assemblée nationale, la Commission électorale nationale indépendante convoque les électeurs en vue de l’élection, dans le délai de soixante jours suivant la date de publication de l’ordonnance de dissolution, d’une nouvelle Assemblée nationale. » Question : A-t-on ces centaines de millions de dollars américains à gaspiller pour organiser de nouvelles législatives pendant que le pays fait face à plusieurs défis qui se présentent tous comme des priorités ?
Une autre question que l’opinion se pose, est celle de savoir si les députés du FCC,restés fidèles à l’ancien Président Joseph Kabila,prendrontle risque de rallier leurs collègues frondeurs de l’Union Sacrée pour bloquer l’investiture du Gouvernement Sama Lukonde.Eux qui sont accusés à tort ou à raison de faire ombrage aux actions du Chef de l’EtatFélix Tshisekedi. Mais celui-ci a certainement d’autres tours dans ses manches.
Dans l’hypothèse où le gouvernement n’obtiendrait pas le visa de la représentation nationale, il est à craindre que le parti présidentiel face recours à la rue et à la force pour imposer sa volonté comme ce fut le cas lors de la cérémonie de prestation de serment de trois juges de la Cour Constitutionnelle en octobre de l’année dernière.
AVOIR LE COURAGE DE DEMISSIONNER DE L’UNION SACREE
En attendant d’en arriver là, dans l’opinion, des voix s’élèvent pour appeler ces élus à la retenue pour éviter que le navire Union Sacrée ne prenne l’eau de toutes parts et qu’il finisse par couler. Pour nombre d’observateurs, cela équivaut à se faire harakiri. Le courage voudrait que ces députés pompeusement présentés comme des » révolutionnaires » démissionnent de l’Union sacrée. L’investiture du Gouvernement comme le vote du budget est un grand acte d’appartenance à un groupe. En restant Union sacrée, ces agissements s’apparentent à du chantage de la part de ceux qui l’exercent pour être « gérés » en perspective justement de l’investiture du Gouvernement par l’Assemblée nationale. En langage parlementaire congolais, on parle « des invisibles ».
Ce n’est pas tout. L’autre aspect de cette prétendue fronde, c’est le partage des entreprises annoncé par la task-force de l’Union sacrée à l’Assemblée nationale, Jean Marc Kabund.
Dans un cas comme dans l’autre, le peuple que les uns et les autres invoquent et évoquent chaque jour n’est pas concerné. Les équations personnelles des élus passant avant l’intérêt du peuple. Cette séquence remet sur le tapis, la sempiternelle question des alliances en RDC. Qui, au lieu de se fonder autour des programmes, des idéologies, sont plutôt des alliances opportunistes créées pour le pouvoir. Dès lors que rien de structurant ne réunit les sociétaires de l’actuelle Majorité parlementaire, ce qu’on a reproché hier au FCC, risque de rattraper l’Union sacrée de la nation. Les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Eric WEMBA