* D’ores et déjà, des observateurs redoutent des étincelles dans l’air, à l’occasion de la présentation du Programme et de l’investiture subséquente du Gouvernement.
Fini le suspense ! Finies également les supputations! Après près de deux mois d’âpres et laborieux conciliabules autour de sa formation, à compter du 15 février 2021- date de la nomination du Premier ministre Sama Lukonde Jean-Michel ; le nouveau Gouvernement tant attendu en RD Congo a, finalement, été rendu public hier Lundi 12 avril.
Au sein de la nouvelle Majorité parlementaire, s’il y a eu un avant Gouvernement, il y aura sans doute un Après-Gouvernement. Ici, nombre d’analystes retiennent encore leur souffle. Instruits par l’expérience du passé, ils considèrent le nouveau Gouvernement comme un véritable test de loyauté auquel sont soumis les 391 députés nationaux qui, en décembre dernier, ont permis au Président Félix Tshisekedi de réussir son pari de faire basculer la majorité parlementaire en pleine mandature.
Secret de polichinelle. La plupart de ces députés nationaux, nouveaux alliés de Félix Tshisekedi à la suite de la dissolution de l’ancienne coalition FCC-CACH, attendaient une récompense au prorata de leur combat mené contre le camp de l’ancien Chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila. Chacun ne jurait que par un poste ministériel. A priori, cette difficulté de gestion des ambitions a été l’une des causes principales du retard observé dans la mise en place du tout premier Gouvernement de l’Union sacrée de la nation.
Evidement, face à l’impératif d’une équipe gouvernementale voulue de format réduit, pour faire face aux multiples contraintes budgétaires, on ne pouvait donc pas imaginer un Exécutif national de 391 membres. Dès lors, personne ne saurait parier sur l’avenir de la nouvelle majorité parlementaire. Ce qui est à tout le moins sûr, est qu’il y a plus de mécontents que de satisfaits. Question : comment le président Félix Tshisekedi va-t-il gérer ces grognons qui l’ont aidé, non seulement à « déboulonner » le système de son prédécesseur Joseph Kabila, mais aussi et surtout, de changer l’ordre institutionnel issu des élections du 30 décembre 2018 ?
DE LA LOYAUTE DECLAREE A LA VENGEANCE
Sans conteste, après son divorce d’avec le FCC de Joseph Kabila, Félix Tshisekedi a beau jeu. Depuis décembre 2020, il est donc resté le seul pole du pouvoir. Toutes les institutions politiques aussi bien nationales que provinciales du pays sont désormais sous sa coupe. Y compris leurs animateurs.
Cependant, par rapport au nouveau Gouvernement, des observateurs conviennent que la signature de l’ordonnance présidentielle portant nomination de ses différents membres, n’est qu’une première étape. Il en reste donc une deuxième. A savoir : la présentation du Programme de l’Exécutif à la Représentation nationale et son investiture subséquente par celle-ci. C’est donc cette deuxième étape que la plupart des analystes ne considèrent pas comme une simple formalité. Bien au contraire.
Car, l’article 90 de la Constitution du 18 février 2006, spécialement dans ses alinéas 5 et 6 disposent qu' »avant d’entrer en fonction, le Premier ministre présente à l’Assemblée nationale le programme du Gouvernement. Lorsque ce programme est approuvé, à la majorité absolue des membres qui composent l’Assemblée nationale, celle-ci investit le Gouvernement ».
Dit autrement, lorsque le Programme présenté par le Premier ministre est désapprouvé par la majorité des membres qui composent la chambre basse du Parlement, le Gouvernement est déclaré démissionnaire. Partant de cette disposition constitutionnelle, d’aucuns redoutent des étincelles dans l’air, lors de la présentation, dans les jours qui viennent, du Programme du Gouvernement Sama Lukonde devant la Représentation nationale dont il est l’émanation.
ANTICIPER L’ORAGE
Sans sombrer dans le pessimisme ni vouloir alimenter de l’électrochoc, de nombreux observateurs craignent que le camp de députés nationaux mécontents ne puissent prendre leur revanche le moment venu. C’est dire qu’au cas où le nombre de ces derniers seraient plus importants, ils pourraient alors compliquer les choses, en rejetant le Programme du Gouvernement. Dans ce cas de figure, le Chef de l’Etat perd automatiquement sa majorité à l’Assemblée nationale. Et, on peut imaginer la suite.
« L’homme sage apprend de ses erreurs, l’homme plus sage apprend des erreurs des autres« , disait Confucius. James Allen ajoute que « l’homme est le reflet de ses pensées« . A la suite des frustrations avérées ou tacites à l’Assemblée nationale, d’aucuns disent que nombre de nos élus sont justement le reflet de leurs pensées. Dès lors que la grogne est réelle, on ne peut donc minimiser la menace qui pourrait en résulter.
D’ores et déjà, des observateurs appellent la task-force de Fatshi à l’Assemblée nationale à plus de dynamisme. De même que cette même task-force avait réussi à aspirer des députés nationaux pour composer la nouvelle majorité parlementaire, de même qu’elle devrait également travailler à fond, dans le sens de désamorcer la bombe. Ici, le travail consiste à prendre langue avec des députés nationaux déçus, dont le départ de l’Union sacrée pourrait déboucher sur une nouvelle donne à l’Assemblée nationale. A priori, la mission semble difficile, mais pas impossible, quand on sait qu’il reste encore des portefeuilles à se partager. En l’occurrence, les entreprises publiques. Jean-Marc Kabund a-t-il pressenti la menace ? Lui qui a vite fait de rassurer les élus que le partage des entreprises publiques se ferait dans la foulée de la sortie du Gouvernement.
Grevisse KABREL