La BCC explique les mouvements du crédit net à l’Etat

Les mouvements du crédit net (CNE) à l’Etat dans le bilan de la Banque centrale du Congo (BCC) et la programmation monétaire en 2021 font couler beaucoup d’encre et de salive. Dans le souci de fixer  l’opinion nationale et internationale, l’Institut d’émission a tenu à expliquer ces deux opérations. Selon un expert de la BCC, toute hausse du CNE implique nécessairement deux conséquences. Soit, une création monétaire (quand l’Etat règle ses opérations en utilisant la monnaie nationale ou quand la Banque centrale achète des titres de l’Etat sur le marché monétaire), soit une destruction des réserves en devises (quand l’Etat règle ses paiements en devises).

Cependant,  l’institut d’émission souligne que toute hausse du CNE ne signifie pas nécessairement un financement monétaire du déficit du Trésor public. Elle peut simplement traduire une consommation des dépôts de l’Etat logés dans ses différents comptes (compte général et sous comptes). Quand l’Etat rembourse également les bons du Trésor, si le montant des bons échus sont supérieurs à ceux des bons nouvellement émis, il s’en dégagera des émissions nettes,  négatives dont l’effet sera l’augmentation du CNE, poursuit la source avant de noter, toute hausse du CNE dans le bilan de la BCC traduit l’existence d’un déficit des finances publiques.

L’unique façon de baisser le stock du CNE est d’effectuer un ajustement budgétaire (mobiliser plus des ressources et contenir les dépenses en deçà des recettes), poursuit la source avant de noter qu’entre janvier 2020 et mars 2021, le plan de trésorerie de l’Etat a été globalement déficitaire. Il n’y a donc pas eu d’ajustement budgétaire. Conséquence : le CNE a tendanciellement continué à augmenter.  Or, tout déficit de l’Etat peut être financé par les canaux suivants : la consommation de ses dépôts préalablement constitués, les ventes des bons, des appuis budgétaires, des ventes d’actifs (concessions minières, etc.), des crédits bancaires, précise cet  expert.  En RDC, il est interdit à la BCC d’accorder des crédits directs à l’Etat (Article 67 de la nouvelle loi de 2018 sur la Banque Centrale, évoque-t-il. Cependant, quand le déficit est couvert par emprunt, on observe 2 temps. Il y a d’abord une baisse du CNE à la réception de ces ressources [c’est ce qui s’est passé entre mars et avril 2020 quand l’Etat a reçu l’appui budgétaire du FMI d’environ 364 millions d’USD. Le CNE (palier 1), présenté dans la ligne intitulée simplement «Créances sur l’Etat» est passé de 1.511 milliards de CDF à 1.015 milliards de CDF, soit une baisse de 496,8 milliards. Notons que ce poste représente un niveau de CNE avant déduction de la ligne «Dépôts de l’Etat». Ces dépôts sont constitués, non pas des ressources du compte général du Trésor et des principaux sous comptes de l’Etat gérés par le Ministre des finances, mais uniquement des comptes C2D et autres comptes non gérés par ce dernier, confie-t-il.

Ensuite, quand l’Etat se met à dépenser sur la base des ressources obtenues (c’est ce qui est observé immédiatement à partir du mois de mai 2020), le CNE reprend son augmentation tendancielle, indique cet expert. Pour information, le sigle «C2D» désigne les fonds obtenus dans le cadre du «Contrat Désendettement et Développement», un des volets complémentaires de l’initiative PPTE.

En outre, la BCC fait remarquer que la présentation des statistiques a évolué à la suite des progrès dans les NTIC. Ainsi, elle a implémenté, depuis 2007, un système d’information moderne dont l’une des conséquences a été l’abandon de la vieille méthode de présentation des comptes monétaires, en particulier du CNE (qui suivait une logique manuelle). Les billets en circulation ne sont plus obtenus par une différence entre émissions et encaisses. Le CNE ne résulte plus de la différence entre créances brutes et dépôts de l’Etat. En fait, le CNE est directement présenté sur une base nette et est impacté par chaque opération du Trésor en dépenses et en recettes. La ligne «Dépôts de l’Etat» figurant au bilan de la BCC ne représente pas les ressources logées dans le compte général du Trésor, ni dans les sous comptes de l’Etat gérés par le Ministre des finances, martèle notre expert.

A cet effet,  tous les tableaux statistiques sur les finances publiques, produits par la BCC et le Ministère des finances renseignent que l’Etat mobilise, chaque mois, au moins 250 millions d’USD seulement au titre d’impôts et taxes, précise-t-il. Et c’est grâce à la BCC que le pacte de stabilité est respecté avant de renchérir  que la présentation des comptes monétaires de la RDC connaîtra, d’ici à juin 2021, une autre évolution à la suite de l’application du Manuel 2000 des Statistiques Monétaires et Financières du FMI. Les améliorations conceptuelles significatives qu’apporte le Manuel 2000 vont apporter plus de lumières sur cette question.

Le pragmatisme  de  la BCC dans la programmation monétaire en 2021

La programmation recours à une méthodologie rigoureuse qui prend en compte les projections de tous les secteurs macroéconomiques (secteurs réel, extérieur, monétaire et des finances publiques), évoque l’expert de la BCC. Les prévisions de l’activité économique et des prix, des recettes et dépenses du trésor, des paiements extérieurs et du taux de change, fournissent les bases de la projection des comptes monétaires (avoirs extérieurs nets, CNE, crédit au secteur privé, masse monétaire, base monétaire) qui sont présentés dans les bilans respectifs de la BCC et de secteur bancaire, ajoute-t-il.

S’agissant en particulier de la prévision du CNE, elle est déterminée sur la base des prévisions du plan de trésorerie de l’Etat (solde de trésorerie prévisionnel). Notons que l’exercice de programmation monétaire veille «toujours» à la cohérence des projections monétaires avec les projections sectorielles (cohérence comptable et cohérence économique). Les supports informatiques qui sont utilisés à cet effet (ex. modèle de prévision avec tableur Excel), sont déjà conçus sur la base des interrelations entre les comptes macroéconomiques et des dispositions sont déjà intégrées pour vérifier automatiquement la cohérence des projections.  C’est cette cohérence qui sous-tend dès lors la cohérence des politiques macroéconomiques (politiques monétaire, budgétaire, de change, etc.).

L’ingrédient supplémentaire qui est introduit par la Banque Centrale, c’est la dimension macroprudentielle, qui insère dans les prévisions la mesure de l’évaluation des risques endogènes et exogènes sur la politique monétaire et le secteur financier, a-t-il révélé. La finalité de l’intégration de cette dimension est de conférer à la politique monétaire une dimension prospective. Ceci confère à la programmation monétaire (notamment du CNE) un caractère moins rigide qui tient compte, non seulement des prévisions présentées par les représentants des secteurs spécifiques (ex : prévisions du plan de trésorerie par le ministère des finances), mais aussi des évaluations éventuelles des risques pouvant survenir, note-t-il.

Enfin, il y a lieu de relever que, dans ce domaine, les banques centrales ont acquis une longueur d’avance étant donné leur expertise dans la surveillance du secteur financier et l’utilisation des modèles d’alerte précoce. Ces derniers permettent de rechercher et d’identifier tous les facteurs de risque potentiels, d’estimer l’ampleur de l’impact attendu et la probabilité de réalisation des risques identifiés, soutient l’expert de la BCC. Cette information, poursuit-il,  est ensuite incorporée dans la prévision en vue de conférer à la politique monétaire une dimension macroprudentielle, transversale et prospective. C’est ce qui a été fait avec la programmation monétaire en 2021. Elle prévoit bien une hausse des créances nettes sur l’Etat de 276,8 milliards de CDF. Elle a tenu compte, non seulement du PTR prévisionnel de l’Etat, mais aussi des ajustements nécessaires à opérer compte tenu du niveau élevé des risques budgétaires et d’une probabilité de plus en plus élevée de leur réalisation.

Mathy MUSAU

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