«Les deux leaders de Lamuka exigent l’audit des FARDC, car, selon eux, des tueries massives des populations civiles à l’Est sont la preuve de l’infiltration de l’armée congolaise et de l’inefficacité des institutions actuelles».
«Lamuka» est descendu dans les rues le week-end dernier pour témoigner sa compassion avec les populations martyres de l’Est de la RDC et leur témoigner leur solidarité. Dans plusieurs provinces du pays, de nombreux manifestants ont pris d’assaut les différents points de rassemblement, avant d’entamer leur procession. A Kinshasa, l’appel à la mobilisation lancé par le tandem Fayulu-Muzito a donc reçu un très large écho. Des sources concordantes renseignent que la même ambiance a été observée dans plusieurs autres provinces du pays. Preuve, s’il en est, qu’aucun parti politique en RD Congo ne peut se prévaloir du monopole de la rue.
Avec des yeux mouillés de patriotisme, les deux opposants ne demandent pas mieux qu’une paix durable dans l’Est de la RD Congo, considéré comme le ventre mou du pays. En même temps, les deux commandants en chef de Lamuka exigent l’audit des Forces armées de la RD Congo (FARDC). Retour sur la marche !
C’est à l’Est de Kinshasa, dans le district de la Tshangu, qu’une forte mobilisation a été observée. Point de départ de la manif, pour les habitants de ce coin, considéré non sans raison, comme la «zone rouge» de la capitale congolaise, la Place Pascal dans la commune très peuplée de Kimbanseke, a grouillé dès les premières heures de la matinée. Déjà, dès 8 heures locales, des jeunes manifestants, tous de blanc vêtus en signe de paix, arrivaient en groupes sur ce lieu de rassemblement, avant de commencer leur procession. Ce, en dépit de la décision de l’interdiction de cette marche, annoncée la veille par le Gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny N gobila.
Face à un impressionnant dispositif de forces de l’ordre déployées dans différents arrêts de bus, justement pour les dissuader, les manifestants se sont montrés imparables devant leur détermination à marcher en guise de leur compassion et de leur solidarité avec leurs compatriotes meurtris de l’Est du pays. Ainsi, malgré cette présence policière très remarquée à plusieurs endroits sur le boulevard Lumumba, les militants de Lamuka ont envahi cette principale artère de la capitale, sur fond d’échauffourées avec des hommes en kaki bleu.
NON AU RETOUR DE LA DICTATURE
Aussitôt que la marche avait commencé, ombre de militants du parti Nouvel’Elan d’Adolphe Muzito et de l’Engagement citoyen pour le développement (ECIDé) de Martin Fayulu, ont été interpellés. Le droit à une manifestation pacifique étant prévu dans la Constitution, spécialement en son article 26 qui dispose que «la liberté de manifestation est garantie», des cadres de ces deux partis de l’Opposition ont considéré l’interpellation de ces manifestants comme une énième atteinte délibérée aux droits des citoyens.
Par ailleurs, les mêmes responsables de Lamuka, brandissent l’alinéa 2 du même article 26 de la Constitution qui stipule que «toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente». Manière pour ces derniers de rappeler à l’autorité urbaine, que le pays avait déjà tourné le dos au régime d’«autorisation préalable», quant à l’organisation des manifestations publiques.
Réconfortés par les deux dispositions constitutionnelles sus-rappelées, les hauts cadres de Lamuka disent dénoncer tout comportement, toute pratique qui suggère le retour à la dictature. Face à la confusion survenue quelques minutes après le début de la marche, Martin Fayulu et Adolphe Muzito qui étaient au premier rang des manifestants, ont été contraints de ne plus progresser, suite à la répression des éléments de la Police nationale congolaise (PNC).Ces derniers ont fait usage du gaz lacrymogène pour disperser les manifestants, place Pascal.
les lushois dans la rue
On rappelle que des militants de Lamuka de la province du Haut-Katanga, étaient également descendus dans les rues de Lubumbashi le même samedi 24 avril. Calicots à la main, ces derniers entonnaient des chants d’appel au retour de la paix dans la partie orientale de la RDC. On apprend que plusieurs centaines de jeunes issus de la société, du Nouvel Elan et de l’Ecide ont protesté contre les massacres et les tueries à répétition à l’Est du pays.
Comme à Kinshasa, les manifestants de Lubumbashi ont bravé la décision de la mairie de leur ville qui interdisait la marche, sous prétexte d’éviter la propagation de la pandémie de Covid-19. Les manifestants, bandeau en tissu blanc immaculé autour de la tête, ont contre toute attente, été massivement dans les rues pour exiger la fin du carnage des populations civiles dans l’Est du pays. «Nous sommes en train de réclamer la paix en RDC et surtout à l’Est. Et par la même occasion, nous demandons à tous les compatriotes, partout en RDC, de pouvoir marcher comme nous. Bravons les interdictions, faisons voir à la communauté internationale que nous avons marre des massacres à l’Est», a déclaré un des militants de Nouvel Élan interrogé par la presse locale.
VIVEMENT L’APPLICATION DU RAPPORT MAPPING
Profitant de leur marche, les manifestants de Lubumbashi ont, par ailleurs, plaidé pour l’application rapide du rapport Mapping sur la situation dans l’Est. Aussi, ont-ils affirmé que la marche du weekend était surtout l’occasion de témoigner un soutien aux femmes de l’Est de la RDC, victimes de violences sexuelles utilisées comme arme de guerre par de nombreux groupes armés aussi bien locaux qu’étrangers, très actifs dans le Grand Kivu et dans l’ex-Province Orientale, au Nord-est du pays.
Dans le territoire de Gungu, province du Kwilu, des militants de Lamuka et de Nouvel Elan étaient également descendus en masse dans les rues. Rassemblés dans un carrefour, ils ont affirmé envahir la rue pour témoigner de leur soutien aux populations de Butembo, Bunia, Ituri, victimes d’une insécurité chronique et endémique.
A Beni, dans le Nord-Kivu, on a appris que des femmes, en tenue faite de sacs en fibre, se sont rassemblées au rond-point du 30 juin pour réclamer la paix dans leur ville.
Au cours d’une déclaration faite au terme de leur marche, Adolphe Muzito et Martin Fayulu, tout en appelant à l’audit des FARDC, ont affirmé que l’ampleur des tueries massives et récurrentes des populations civiles, sans aucun moyen de défense dans l’Est du pays, est la preuve de l’infiltration de l’armée congolaise et de l’inefficacité des institutions actuelles.
Pour Adolphe Muzito, le peuple congolais doit faire partir, soit par les urnes, soit par la rue le régime en place qui s’avère incapable de sécuriser ses populations. «En termes de résultats, oui les résultats sont là (…). Pour nous, ce n’est qu’une étape. Ce qui peut apparaître comme un échec, est en fait un succès. Ces messieurs doivent savoir que ce que nous demandons, pour sortir le pays de cette situation, c’est de bonnes élections qui passent par de bonnes réformes consensuelles. Ils en ont peur. Alors, le peuple va les faire partir soit par les urnes, soit par la rue. Nous ne souhaitons pas que ça soit par les armes. A eux de choisir de quelle manière ils veulent partir», a-t-il déclaré.
Tout bien considéré, les manifestations de Lamuka du week-end dernier à travers le pays, résonnent comme en écho à celles qui sont organisées depuis plusieurs semaines à l’Est de la RDC. Précisément à Béni, Butembo et à Bunia. A l’initiative des mouvements citoyens, des jeunes de ces villes sont chaque jour dans les rues pour réclamer le retour de la paix. On apprend même que des élèves ont séché le chemin de l’école depuis plusieurs semaines à cause de l’insécurité et participent activement à ces manifestations. Ceux de Beni passeraient même la nuit devant le bâtiment de l’Hôtel de ville pour exiger de leurs autorités, le rétablissement de la sécurité et le retrait définitif de la MONUSCO jugée inactive face aux tueries des civils par les rebelles.
Orly-Darel NGIAMBUKULU